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Par Ulimwengu Biregeya Bernardin[1] (biregul@gmail.com)

 

Résumé

 

La survenue de la maladie à coronavirus 2019 plonge le monde dans un tour-babélisme par lequel il se passe un dialogue de sourds-muets ayant des difficultés à comprendre ce qui se dit et à faire comprendre ce qui se vit, vu l’ampleur du mal en ce temps où l’humanité était pourtant supposée capable d’avoir le dessus sur les risques et catastrophes possibles. Contre toute attente, au lieu de la puissance, c’est plutôt des failles criantes qu’a révélées la pandémie qui a été une occasion par laquelle les riches se sont rendu compte de leur pauvreté tandis que les pauvres s’étonnent de leur richesse insoupçonnée. Par une approche phénoménologique, cette réflexion souligne que les épidémies, tout en constituant des opportunités de transformation des rapports de forces sociales, conduisent à un tournant historique pouvant entraîner le renvoi des forts les mains vides pour combler de vigueur les faibles. La condition préalable est que ces derniers s’activent à s’organiser davantage pour ne pas se laisser leurrer par des manœuvres politiques, économiques, culturelles et sanitaires à des fins manipulatrices tendant à faire avaliser les visées mondialistes à l’insu des victimes du travail des ingénieurs sociaux dont le rôle est de faire culpabiliser les pauvres qui, heureusement, s’en sortent bien, au grand dam des prophètes de malheur.

Mots-clés : covid-19, complot, épidémie, pandémie, population

Abstract

The coronavirus disease 2019 occurrence pushes the world in a tower-babelism by which there is a dialogue of deaf-mutes having difficult understanding what is said and to understand what is happening, in view of the extent of the evil when humanity was supposedly able of having the upper hand over possible risks and disasters. Against all expectations, instead of power, it was rather glaring faults that were revealed by the pandemic, which was an occasion by which the rich realized their poverty while the poor were surprised by their unexpected wealth. Using a phenomenological approach, this thought underlines that epidemics, while constituting opportunities for the social transformation, lead to an historic turning point which can lead to the dismissal of the powerful with empty hands to fill the weak with vigor. The prerequisite is that those one work to organize themselves more so as not to be lured by political, economic, cultural and health maneuvers by manipulators tending to endorse globalist aims without the victims knowing the social engineers’ work whose role is to make the poor feel guilty who, fortunately, are doing well, to the chagrin of the prophets of misfortune.

Key words : covid-19, conspiracy, epidemic, pandemic, population

 

Le fil du déclin court dans notre histoire comme un refrain lancinant lié à une véritable obsession, celle de la chute. (Thérèse Delpech)

Ce ne sont pas les barbares qui ont tué l’empire. Ils l’ont seulement achevé. Il est mort tout seul, de l’intérieur, et c’est alors que les barbares ont pénétré. (Michel Rocard)

 

Introduction

Les avancées scientifiques, technologiques, économiques, politiques et sécuritaires actuelles supposent que l’humanité est plus à même de faire face aux incertitudes qu’elle ne l’était par le passé. Pourtant, malgré la sur-militarisation et l’impression de surhumanité et d’éternité des puissances mondiales, la survenue de la maladie à Coronavirus 2019 (Covid-19) dont l’agent étiologique est le SARS-CoV-2 fait des ravages étalant au grand jour les faiblesses des forts. Pire encore, le jeu de ping-pong au sujet des origines du virus et concernant la thérapie qu’il convient de recommander. Des scientifiques et politiques récusent des thérapies sans pour autant indiquer laquelle ils recommandent, alors que l’urgence d’une prise en charge des malades s’impose.

Le Docteur Li Wenliang avait été réduit au silence par les autorités chinoises le 1er janvier 2020, pour avoir alerté ses confrères, dès le 30 décembre 2019, sur la pneumonie qu’il venait de constater sur sept patients travaillant sur le marché aux animaux de Wuhan. Alors que la prise en compte de son alerte réduirait l’ampleur du mal, la police lui fit signer, le 3 janvier 2020, un procès-verbal lui faisant reconnaître qu’« il perturbe l’ordre social ». Ce document administratif stipulait : « Votre action va au-delà de la loi. Vous envoyez des commentaires mensongers sur Internet. La police espère que vous allez collaborer. Serez-vous capable de cesser ces actions illégales ? Nous espérons que vous allez vous calmer, réfléchir, et nous vous mettons sévèrement en garde : si vous insistez et ne changez pas d’avis, si vous continuez vos activités illégales, vous allez être poursuivi par la loi. »[2]  Comme Galilée, il avait pourtant raison, car, le 20 janvier 2020, le président Xi Jinping  reconnut l’existence de cette maladie, après qu’un scientifique de renom, Zhong Nanshan, eut reconnu que le virus était transmissible entre humains.[3] Malheureusement, Li Wenliang en fut lui-même infecté. C’est après qu’il en a été mort le 7 février 2020 à l’hôpital central de Wuhan[4] que le peuple se rendit compte de son héroïsme. Vu l’ampleur de la prévalence, l’OMS ne put déclarer la « pandémie » que le 11 mars 2020.  Depuis lors, des intelligences ne cessent de se poser mille et une questions sur ce fléau qui, en fait, révèle les faillites des politiques et entraîne des controverses devant à coup sûr, déboucher sur une crise multiforme.

Signifiant littéralement « poison couronné », les coronavirus sont une large famille de virus qui provoquent des maladies allant d’un simple rhume à des pathologies plus sévères comme le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère). Ce micro-organisme entraîne une hystérie mondiale, vu la difficulté à en venir à bout. Les États en sont plutôt à un tour-babélisme les poussant à chercher le sorcier ailleurs que chacun chez lui. Le bilan au 9 mai 2020 faisait état de 4 009 292 cas déclarés, 275 976 décès, 1 382 772 guérisons, et 48 703 patients en état critique sur les 2 350 944 patients alors en cours de traitement dans le monde, répartis sur 212 pays et territoires. Seuls 8 pays n’étaient toujours pas encore affectés par l’épidémie, et 8 pays affectés ne l’étaient plus, par guérison des cas enregistrés. 22 pays avaient déclaré plus de 1000 décès (dont parmi les dix premiers : USA, Royaume Uni, Italie, Espagne, France, Brésil, Belgique, Allemagne, Iran, Chine). 85% des décès avaient été enregistrés dans des pays occidentaux (USA, UE, OTAN). Curieusement, il s’est fait remarquer que les pays les plus pauvres s’en tiraient mieux (seulement 15,31% des décès) que les pays riches. Dans l’ensemble, le taux de mortalité du Covid-19 était de 35,4 décès par million d’habitants au niveau mondial[5].

Alors que la Chine qui fut le point de départ a pu avoir le dessus sur la flambée, l’Italie, l’Espagne, et les États-Unis, en payent le lourd tribut, avec comme centre névralgique, la ville de New York. En même temps, des experts, en commençant par le Directeur général de l’Organisation Mondiale de la Santé préviennent que l’Afrique devra s’attendre au pire, vu son système sanitaire déficitaire, bien que les cas ne soient néanmoins pas tellement nombreux. Pendant qu’est lancé cette alerte contre toute fausse sécurité, bien des pays, aussi bien occidentaux qu’africains, ne semblent pas suffisamment à même de faire face à ce fléau.

À voir l’ampleur des dégâts causés au niveau de pays pourtant développés, il y a lieu de se demander : s’il en est ainsi du bois vert, qu’en sera-t-il du sec que sont les pays préalablement sous perfusion aussi bien politique, économique, culturelle, spirituelle que sociale ? Quel est le sens à donner, – dans le cadre des rapports inter-États –, à la survenue et la gestion du coronavirus ? En quoi les forts sont-ils faibles ? Quel avenir ce fléau donne-t-il au monde ? Raison pour laquelle cette étude porte sur le tour-babélisme à l’aune de la phénoménalité du covid-19. Sur base du vécu, nous jetons un regard sur le passé épidémiologique, avant de nous atteler sur le complotisme auquel le mystère de ce fléau fait penser dans une logique de boucémissérisation. L’attention porte ensuite sur la manière dont cette expérience est vécue, avant de dessiner le futur probable qui pourrait être pire que le présent si l’on continue à se préoccuper de résoudre de faux problèmes au lieu de s’attaquer aux véritables.

Grille de lecture

En termes de grille de lecture, notre approche réflexive est phénoménologique, vu qu’il s’agit pour nous de chercher à comprendre le sens des phénomènes (Covid-19 et ses corollaires), à la lumière de faits tels que vécus dans divers coins du monde. Notons qu’au sens général, la phénoménologie est, comme le souligne André Lalande[6], une étude descriptive d’un ensemble de phénomènes, tels qu’ils se manifestent dans le temps ou l’espace. Et comme méthode au sens d’Edmund Husserl, c’est un effort pour appréhender, à travers des événements et des faits empiriques, des essences, c’est-à-dire des significations idéales. Celles-ci sont directement saisies par intuition à l’occasion d’exemples singuliers, étudiés en détail et d’une manière très concrète. Pour J.F. Lyotard, la phénoménologie consiste à « explorer [le] donné, « la chose même » que l'on perçoit, à laquelle on pense, de laquelle on parle, en évitant de forger des hypothèses, aussi bien sur le rapport qui lie le phénomène avec l’être de qui il est phénomène, que sur le rapport qui l’unit avec le Je  pour qui il est phénomène. »[7] La présente réflexion se base sur le fait que comme le veut Emmanuel Levinas, l’expérience est une lecture, la compréhension du sens, une exégèse, une herméneutique, et non pas une intuition.[8] Cette lecture se fait dans une logique de pensée complexe comme l’entend Edgar Morin[9] au sens de la complexité prise pour un tissu d'événements, actions, interactions, rétroactions, déterminations, aléas, qui constituent notre monde phénoménal qu’il s’agit de désambiguïser.

Nous tâchons de nous baser sur des faits relatifs au Covid-19 tels qu’ils sont vécus (cas, gestes-barrières, attitudes, comportements avant et lors de la survenue de cette pandémie…), pour essayer d’en élucider le sens pour le présent et le futur de la société humaine dont le génie semble quelque peu déboussolé par ce mal qu’une certaine opinion estime être d’origine humaine pourtant.

Notre grille de lecture phénoménologique se base en même temps sur ce qu’Auguste Comte[10] fait remarquer en soulignant qu’étudiant le développement de l’intelligence humaine dans ses diverses sphères d’activité, il réalisa qu’il existe une loi fondamentale consistant en ce que chacune de nos conceptions passe par trois états théoriques différents : l’état théologique ou fictif ; l’état métaphysique ou abstrait ; l’état scientifique ou positif.

À son avis, dans l'état théologique, l'esprit humain se représente les phénomènes comme produits par l'action directe et continue d'agents surnaturels dont l'intervention arbitraire explique toutes les anomalies apparentes de l'univers. Dans ce cadre, le Covid-19 serait l’œuvre de forces surnaturelles (Dieu, dieux, ancêtres, esprits…) en colère contre les humains n’ayant peut-être pas satisfait à leur volonté. Ce fléau serait, en ce sens, un châtiment infligé au monde pour l’inconduite de ses habitants. Il viserait alors à les interpeller pour changer de vie et d’avis, pour ainsi mériter les faveurs de ces êtres surnaturels.

Dans l'état métaphysique, les agents surnaturels sont remplacés par des forces abstraites conçues comme capables d'engendrer par elles-mêmes tous les phénomènes observés[11]. En ce sens, le Covid-19 serait l’œuvre d’êtres ou entités imaginaires conçus en fonction des conceptions culturelles de diverses zones géographiques dans lesquelles il sévit et/ou en fonction des systèmes de croyance. Pour les Américains, c’est la Chine qui serait auteur de ce virus ; pour la Chine, c’est plutôt l’Amérique ; pour d’autres encore, ce serait simplement un châtiment divin, ou encore le signe de la parousie ultime. Tant que rien n’est jusque-là prouvé en ce sens, il y a lieu d’affirmer qu’il ne s’agit là que de supputations explicatives à moindre frais.

Dans l'état positif, l'esprit humain reconnaissant l'impossibilité d'obtenir des notions absolues, renonce à chercher l'origine et la destination de l'univers, et à connaître les causes intimes des phénomènes, pour s'attacher uniquement à découvrir, par l'usage bien combiné du raisonnement et de l'observation, leurs lois effectives[12]. Ce serait ici le niveau des controverses entre scientifiques qui se battent tant pour dénicher la thérapie la plus sûre, et/ou au besoin, un vaccin possible, pour sauver l’humanité de ce fléau. D’où une certaine querelle des hommes de science. Par exemple, toutes les foudres que s’attire le très controversé Professeur Didier Raoult et pourtant bien célèbre académicien aux mille publications à comité de lecture, avec ses prises de positions par rapport à ce qu’il qualifie de « vrais dangers et fausses alertes »[13] au sujet de diverses épidémies, allant de la grippe aviaire au Covid-19, et sa proposition de la Chloroquine et son dérivé l’hydroxychloroquine, comme « molécule prometteuse » face au Covid-19, tout en affirmant que « le risque que le Coronavirus chinois change les statistiques de mortalité française est nul. »[14] Cette expérience a conduit Idriss Aberkane à parler d’une sorte de « corruption académique » dont Didier Raoult a été victime après la diabolisation de sa proposition qualifié-même de « fake news ». Le gouvernement français a fini par se raviser pour autoriser le recours à la chloroquine, jusqu’à en faire une molécule de première ligne. C’est le sens de la visite de réconfort par Emmanuel Macron pour qui enfin, aucune piste ne saurait être négligée.

 

[1] Né en 1976 à Masisi/RDC, initialement formé en philosophie et en théologie (Buhimba et Murhesa), Ulimwengu Biregeya est détenteur d’une licence en santé et développement communautaires (ULPGL-Goma), et d’un Master en sciences de développement (ULK). Chercheur associé au Cerclecad, il est Chef de travaux à l’Université Catholique la Sapientia de Goma. Ses recherches portent sur la nécessaire et incontournable interconnexion entre paix et développement, dans une approche de pensée complexe.

[2] https://www.lemonde.fr/international/article/2020/02/06/emotion-a-l-annonce-de-la-mort-du-docteur-li-wenliang-lanceur-d-alerte-du-coronavirus_6028699_3210.html

[3] ibid.

[4] https://www.lemonde.fr/international/article/2020/02/06/emotion-a-l-annonce-de-la-mort-du-docteur-li-wenliang-lanceur-d-alerte-du-coronavirus_6028699_3210.html

[6] André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Texte revu par les membres et correspondants de la Société française de Philosophie, Vol 2 N-Z, Paris, PUF, 1926, pp.768-769.

[7] Jean-François Lyotard, La phénoménologie, 11ème éd corrigée, Paris, PUF, 1954, p.5.

[8] Emmanuel LEVINAS cité par Pascal LAHOUD, Le sujet dévirilisé : dé-lire Emmanuel Levinas, s.l., éd. de l’Université Antonine, 2007, p.242.

[9] Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe, Paris, Seuil, 2005, p.21.

[10] Auguste COMTE, Cours de philosophie positive : Première et deuxième leçons, 1830-1842, p.22. En ligne sur http://classiques.uqac.ca/

[11] Auguste COMTE, Cours de philosophie positive…op.cit., p.23.

[12] ibid.

[13] Didier RAOULT, Épidémies, vrais enjeux et fausses alertes : De la grippe aviaire au Covid-19, s.l., Michel Lafon, 2020.

[14] Didier RAOULT, Épidémies…op.cit., p.57.

Coup d’œil rétrospectif sur les épidémies

Dans le cadre de la sociologie de la maladie, « la maladie est une forme d’événement, souvent située dans une chaîne de malheurs, qui dépasse le corps et fonctionne comme signifiant social : elle fait l’objet de discours qui mettent toujours en cause l’environnement au sens le plus large. »[1] Laplantine[2] estime qu’à chaque époque, chaque société a « sa » cause préférée, notamment : le fatum, destin ou fléau, maladie de l’ordre du sacré, qui s’abattait brutalement et massivement ; les populations impuissantes s’en remettent pour leur « salut » à une dimension sacrée ; les fléaux sociaux, les « maladies sociales » telles : la tuberculose, le syphilis, les maladies infantiles, l’alcoolisme… ; la sorcellerie et la contamination par malveillances, sortilèges ; la contagion « microbienne » ; la théorie de la dégénérescence et d’une mémoire nerveuse.

Vu qu’en dépit des prières aux dieux, aux anges, les humains n’ont jamais, au cours de l’histoire, cessé de mourir, Harari écrit que « nombre de penseurs et de prophètes en ont conclu que la famine, les épidémies et la guerre devaient être une partie intégrante du plan cosmique de Dieu ou de notre nature imparfaite. »[3] Les autorités étaient totalement démunies face aux catastrophes. Hormis organiser des prières de masse et des processions, elles n’avaient aucune idée des moyens d’arrêter l’essor de l’épidémie ou d’y remédier. Jusque dans les temps modernes, les hommes attribuaient les maladies au mauvais air, aux démons malveillants ou au courroux des dieux, sans soupçonner l’existence des bactéries et des virus.[4]

Pourtant, l’histoire des relations entre bactéries et genre humain renseigne qu’au néolithique, l’homme était en contact avec des virus à transmission familiale à l’occasion de la chasse. La première transition épidémique survient avec l’avènement de la domestication des animaux et l’adoption de l’agriculture. La deuxième transition épidémique s’est produite au cours de l’Antiquité avec la fondation des cités-États très peuplées. La construction de routes, les échanges commerciaux et les guerres créent les conditions de propagation de cités à cités des épidémies. La troisième transition épidémique se produisit au XVIe s, avec la conquête du Nouveau Monde. La quatrième transition épidémique accompagne la mondialisation. En amplifiant et accélérant les échanges de biens et les déplacements humains, elle a largement favorisé la propagation des épidémies[5].

Parmi les 10 pires pandémies de l’histoire, la peste d'Athènes survenue de 430 à 426 av. J.C. décima le tiers des 200 000 habitants ; la peste antonine fit près de 10 millions de morts entre 166 et 189 en Mésopotamie et à Rome ; la peste de Justinien tua, en 541, environ 25 à 100 millions de personnes, soit le tiers de la population de l’époque, en raison de 10.000 morts par jour. Constantinople perdit 40% de sa population. De 1347 à 1353, la peste noire aurait causé entre 25 et 34 millions de victimes en Europe. Ce fléau est réapparu dans la deuxième partie du XIXe siècle, faisant près de 100 millions de morts à travers le monde. Plusieurs vagues de fièvre jaune ont touché le monde au XVIIe, XVIIIe et au début du  XIXe siècle. Le choléra a, entre 1826 et 1832, fait plus de 100.000 victimes en France et plus d'un million en Europe. La grippe espagnole a, en 1919, fait entre 25 et 50 millions de victimes (entre un quart et un tiers de la population mondiale à l’époque). La Grippe asiatique (H2N2) apparue en Chine en 1956, fit 1 à 4 millions de morts, dont 70.000 aux Etats-Unis. La grippe de Hong-Kong (H3N2) causa, entre 1968 et 1969, la mort d'environ un million de personnes à travers le monde. Quant au Sida, il a fait, depuis 1981, plus de 35 millions de victimes[6]. En plus de cela, des épisodes épidémiques surviennent de temps en temps encore de nos jours. Par exemple, le SRAS en 2002-2003, la grippe aviaire en 2005, la grippe porcine en 2009-2010, Ebola en 2014[7] et 2018, et en 2020, le Covid-19.

Le Figaro révèle que parmi les causes de propagation des microbes, l’on retient notamment : une entorse aux précautions les plus élémentaires ; les voyages des hommes et des biens ; les désorganisations sociales, particulièrement les guerres ; les modifications écologiques[8]. À cela s’ajoutent la pauvreté et la malnutrition, la concentration de personnes dans des lieux confinés, la mondialisation, les relations hommes-animaux, le sous-développement…[9] Pour Christian Duval, la mondialisation accroît le risque de propagation internationale des maladies infectieuses, suite à la multiplication des échanges et des contacts humains ou matériels.[10] C’est ce qui fait dire à Yuval Harari qu’en principe, dans le contexte actuel, « on aurait (…) pu s’attendre à un enfer épidémiologique, avec des épidémies en chaîne »[11], favorisés par les voies modernes de communication. Faut-il, tout de même, reconnaître que « l’homme a toujours vécu en symbiose avec microbes, bactéries et virus, [vu que] le corps humain héberge des milliards de bactéries et de virus »[12].

André Siegfried souligne aussi : « les contaminations de région à région sont en rapport direct avec les progrès des communications. Avant le XXe siècle, soutient-il, la lenteur des trajets était une défense relative contre l'invasion des germes. Aujourd'hui, la rapidité effrayante qui permet à l'homme de se transporter en quelques heures d'un point du globe à un autre constitue une menace permanente. »[13] Il soutient par ailleurs que « la diffusion des maladies se fit directement de l'homme à l'homme, de l'animal à l'homme ou par l'intermédiaire d'un parasite venant d'un homme ou d'un animal infecté. »[14] Les vecteurs des agents pathogènes sont donc habituellement soit l’homme soit l’animal. Et pour cela, « trois conditions sont nécessaires à la transmission à distance : il faut à la source un germe susceptible de persister dans des réservoirs de virus où s'entretient l'infection (…). Ensuite, un vecteur, agissant directement ou se déplaçant par l'entremise d'un hôte. Enfin, un milieu où le germe puisse développer sa nocivité, faute de quoi, même transmis, il reste stérile. »[15]

En termes de conséquences[16], socialement, les grandes épidémies touchent toutes les structures de la société, et font ainsi que la société soit privée de références morales, spirituelles et administratives. Sur le plan économique, les épidémies frappent les structures des familles, des villages, des entreprises, des services publics…

Comme souligné précédemment, la plus tragique de toutes les pestes du Moyen-Âge fut celle de 1348-1350 connue sous l’appellation historique de « Peste noire ». Ses ravages emportèrent les 30% de la population[17] et eurent une influence notoire sur la vie de l’Église : baisse considérable des effectifs dans les ordres religieux, altération des pratiques religieuses, etc. La régression économique conséquente de cette épidémie entraîna des agitations sociales populaires, les étrangers étant souvent accusés d’être à la base de ce fléau. Les juifs en portèrent le poids, car accusés de vouloir éliminer les chrétiens. Au niveau professionnel, alors qu’avant l’épidémie les suzerains prenaient leurs vassaux pour des bêtes de somme ; après l’épidémie, la rareté de cette main d’œuvre entraîna l’exigence de payement en contrepartie du travail. Ce fut ainsi le début du travail rémunéré.

Au niveau politique, les épidémies remettent en cause la sécurité intérieure des États. Pour ainsi dire, les autorités politiques paraissent comme n’étant plus à la hauteur de leur tâche, si bien que par la suite, il y a lieu que le peuple se soulève contre elles pour les démettre. C’est par épidémie qu’ont été éliminés des personnages historiques remarquables, tels : Ramsès II, Périclès, le Pape Pélage II, Marc-Aurèle, George Washington, Louis XV et l’empereur Cuitláhuac de Mexico. Actuellement, le Covid-19 a aussi atteint quelques personnalités politiques et culturelles célèbres dans divers coins du monde, jusqu’à en emporter certaines (Manu Dibango, Pape Diouf, la cinéaste panafricaniste Sarah Maldoror… et même des politiques).

Tout compte fait, parler de ces calamités, c’est signifier la possibilité d’extinction de la vie sur Terre. À ce sujet d’ailleurs, Jacques Attali[18] reconnaît que la vie a pratiquement disparu à sept reprises de la surface de la planète Terre, et que nous sommes menacés aujourd’hui qu’elle disparaisse une huitième fois. À ces occasions, martèle-t-il, plus de la moitié des espèces vivantes disparaissaient.

Il précise :

« La première catastrophe fut l’extinction précambrienne, il y a 650 millions d’années, quand une ère glaciaire très sévère entraîna la disparition de 70 % de la flore et de la faune ; la deuxième fut l’extinction vendienne, il y a 545 millions d’années, aux causes énigmatiques ; la troisième fut l’extinction cambrienne, entre – 543 et – 510 millions d’années, causée par une glaciation et un refroidissement des océans, accompagnés d’un déficit d’oxygène dans l’eau, provoquant la disparition des trilobites, des brachiopodes et des conodontes ; la quatrième fut l’extinction ordovicienne, il y a 440 à 450 millions d’années, quand une nouvelle glaciation fit baisser le niveau de la mer et disparaître plus d’une centaine de familles d’invertébrés marins ; la cinquième fut l’extinction dévonienne, il y a 370 millions d’années, quand l’impact d’un météore entraîna une glaciation et la disparition de la faune marine, avec relativement peu de répercussions sur la flore terrestre ; la sixième fut l’extinction permienne, il y a 248 millions d’années, quand d’énormes éruptions basaltiques en Sibérie, qui durèrent mille ans, élevèrent les températures de 15 degrés, provoquant un dégagement massif de méthane issu des plaques sous-marines, lequel provoqua à son tour un échauffement de 15 degrés supplémentaires, faisant disparaître de 90 à 95 % de toutes les espèces marines, avec, parmi les rares survivants, le Lystrosaurus, ancêtre de tous les mammifères, et donc de l’espèce humaine ; enfin, la septième fut l’extinction de la fin du crétacé, il y a 65 millions d’années, quand l’impact d’un météore dans le Yucatán, fit disparaître 85 % de toutes les espèces, dont les dinosaures, mais laissa survivre la plupart des mammifères de faible taille, des oiseaux, des tortues, des amphibiens ; les récifs coralliens, qui disparurent alors, mirent plus de dix millions d’années à se reconstituer. »[19]

En termes de sens, « un peu comme les tremblements de terre révèlent les inexorables mouvements des plaques tectoniques, les crises sont la trace de mutations profondes, avec des conséquences sur chaque individu, chaque entreprise, chaque nation, et sur l’humanité entière. »[20] C’est pourquoi il convient d’en élucider le sens, afin d’en prévenir les effets néfastes. Toute crise constitue donc une sorte de livre à exploiter, pour découvrir la signification du discours qu’il véhicule, tout en sachant que même entre les lignes, il est un sens à dénicher. C’est ce qui fait qu’après chaque crise, des changements d’ordre divers s’observent au sein de la société.

Dans la mesure où se tiennent des propos contradictoires autour du Covid-19, au point de faire penser certains à un complot, nous tâchons, à travers la suite de cette étude, de parler brièvement de la théorie du complot et ce que le contexte du Covid-19 nous en fait comprendre.

 

[1] Anne Bargès, « Anthropologie et sociologie associées au domaine de la maladie et de la médecine », in Sciences humaines en médecine (Introduction aux), Ellipses, 2001, p.189. en ligne sur https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00007257

[2] Anne Bargès, art.cit., p.198.

[3] Yuval Noah Harari, Homo deus : une brève histoire de l’avenir, Paris, Albin Michel, 2017, p.5.

[4] Yuval Noah Harari, Homo deus...op.cit., p.12.

[5] cf. Jean Salmon, « Rapport introductif », in Rostane Mehdi & Sandrine Maljean-Dubois (dir.), La société internationale et les grandes pandémies, Quatorzièmes rencontres internationales d’Aix-en-Provence, Colloque des 8 et 9 décembre 2006, Paris, éd.A.Pedone, 2007, pp. 15-16.

[6] cf. NEWS, « Les 10 pires pandémies de l'histoire ». Mis à jour le 20/03/2020 à 09:28 Publié le 19/03/2020 à 06:40 https://www.cnews.fr/monde/2020-03-19/les-10-pires-pandemies-de-lhistoire-935

[7] cf. Yuval Noah Harari, Homo deus…op.cit., p.17.

[8] Norbert Gualde, « De la peste au virus Ebola : comment les épidémies se propagent-elles ? », https://www.lefigaro.fr/vox/monde/2014/08/01/31002-20140801ARTFIG00341-de-la-peste-au-virus-ebola-comment-les-epidemies-se-propagent-elles.php

[9] Jean Salmon, « Rapport introductif », in Rostane Mehdi & Sandrine Maljean-Dubois (dir.), La société internationale…op.cit., pp.24-26.

[10] Christian Duval, « Allocution d’ouverture », in Rostane Mehdi & Sandrine Maljean-Dubois (dir.), La société internationale…op.cit., p.7.

[11] Yuval Noah Harari, Homo deus…op.cit., p.16.

[12] Jean Salmon, « Rapport introductif », in Rostane Mehdi & Sandrine Maljean-Dubois (dir.), La société internationale…op.cit., p.13.

[13] André Siegfried,  Itinéraires de contagions, épidémies et idéologies, Paris, Armand Colin, 1960, p.13. En ligne sur http://classiques.uqac.ca/

[14] André Siegfried,  Itinéraires de contagions…op.cit., p.14.

[15] ibid., pp.29-30.

[16] cf. Jean Salmon, « Rapport introductif », in Rostane Mehdi & Sandrine Maljean-Dubois (dir.), La société internationale…op.cit.,  p.27.

[17] Didier Raoult, Épidémies…op.cit., p.25.

[18] Jacques Attali, Survivre aux crises, Paris, Fayard, 2009, p.117.

[19] Jacques Attali, Survivre aux crises…op.cit., p.118.

[20] ibid., p.23.

De la théorie du complot à la théorie du sens

Avant de nous atteler sur le complotisme ou conspirationnisme dont plus d’une bouche parlent au sujet du Covid-19, en commençant par les plus grands acteurs, c’est-à-dire les Chinois et les Américains, il serait utile de jeter un regard sur ce qu’on entend par « théorie du complot », avant d’indiquer ce que cela donne à penser dans le contexte qui est nôtre. Cette clarification se justifie par le fait que loin de prôner une admission pure et simple ou un rejet en bloc comme c’est le cas pour certains, il sied de peser le pour et le contre, sur base des faits, pour faire ressortir une certaine lumière probable pouvant éclairer la lanterne du présent et de l’avenir.

Par "complot", on entend un projet secret élaboré par plusieurs personnes contre une ou plusieurs autres personnes ou institutions.[1] En d’autres termes, « il y a complot lorsqu’un petit groupe de gens puissants se mettent ensemble en secret pour planifier et accomplir une action illégale et inconvenante, une action qui a la particularité d’avoir une influence sur le cours des événements. » [2] Il est cependant « parfois difficile de séparer les complots de ce qui est appelé la théorie du complot, le complotisme ou le conspirationnisme. » [3]

En effet, le conspirationnisme désigne « l’imaginaire qui favorise l’interprétation de l’histoire essentiellement et exclusivement à partir d’une grille de lecture impliquant une théorie du complot. »[4] Les mythes de conspiration se basent sur le principe selon lequel « si les choses ne vont pas bien, il doit y avoir une cause et un agent bien définis qui provoquent le dérèglement. »[5] Quant à la boucémissérisation (scapegoating), elle désigne un « processus social grâce auquel l’hostilité et les griefs d’un groupe frustré et fâché sont dirigés ailleurs que vers les causes réelles des problèmes sociaux, et notamment vers un groupe diabolisé et considéré comme malveillant’. »[6]

Schématiquement, « on trouve à chaque fois un premier groupe occulte et puissant qui cherche à dominer le monde, un deuxième groupe, majoritaire, formé de gens manipulés sans le savoir, et enfin un troisième petit groupe de gens courageux qui connaissent la vérité et qui se battent contre le complot. »[7] Il est donc logique que le premier groupe d’acteurs (cette sorte de ‘maître invisible’ ou ‘pouvoir derrière le pouvoir’) a intérêt à ce que ses victimes (le deuxième groupe d’acteurs constitué du peuple dans sa majorité qui ignore qu’un complot est à l’œuvre et qui ne prend pas la mesure de la menace qui pèse sur lui ; c’est la majorité silencieuse qui suit mimétiquement) ne soient du tout pas au courant de la machination contre eux. Bien plus, ils aimeraient à ce qu’il n’y ait pas du tout le troisième groupe d’acteurs, c’est-à-dire, celui des clairvoyants-éclaireurs-éveilleurs du second. Ces éveilleurs deviennent, pratiquement, des martyrs, car ils sont les seuls à connaître la vérité, et ce qu’il conviendrait de faire pour ne pas tomber dans le piège des manipulateurs. Raison pour laquelle les conspirateurs cherchent, coûte que coûte, à les faire taire, et une fois pour toutes. Toutefois, Will Eisner soutient que « chaque fois qu’on apprend à un groupe à en haïr un autre, on forge un mensonge pour attiser la haine et justifier un complot. La cible est facile à trouver parce que l’ennemi est toujours l’autre[8]. » Ce qui revient à dire que bien qu’il existe des complots, tout ne se justifie pas pour autant par le complot ; mieux, il existe des complots imaginaires qui, parfois, conduisent à une haine injustifiée, juste sur base de préjugés ou, simplement,  suite à la peur que l’on éprouve vis-à-vis de l’autre.

Pour ce qui est des Protocoles des sages de Sion, un texte aussi controversé car qualifié de plagiat du Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu de Maurice Joly, mais pourtant bel et bien en pratique par divers think-tank du monde, il est souligné que pour arriver à fatiguer les peuples par les désordres et la frivolité de leurs gouvernants, « il faut troubler constamment, dans tous les pays, les rapports du peuple et du gouvernement, afin de fatiguer tout le monde par la désunion, l’inimitié, la haine et même par le martyre, la faim, l’inoculation des maladies et la misère (…). »[9] Pour cela, les peuples pourront réclamer un roi universel qui puisse les réunir et détruire les causes de leurs discordes : les frontières des nations, les religions, les calculs des États ; un roi qui puisse leur donner cette paix et ce repos, qu’ils ne peuvent obtenir avec leurs gouvernants et leurs représentants[10]. Même si l’on admettait que ce texte ne constitue qu’une simple imagination faussement attribuée à x ou y, peut-on dire pour autant que le monde ne fonctionne pas selon les principes y édictés ? Ce serait mauvaise foi que d’être de cet avis, au regard de la manière dont fonctionne l’économie néolibérale et l’enrichissement au dos des pauvres constituant l’escabeau de l’honneur et de la superpuissance des riches se prenant, de temps en temps, pour leurs remparts et bienfaiteurs à travers une fausse générosité.

C’est non sans raison que Benoît Awazi affirme : « La récession économique mondiale qui déferle dans le monde entier à partir de la crise de l’économie spéculative des banques américaines, européennes et britanniques, montre à satiété comment les logiques mécanistes et mercantilistes de l’abstraction capitaliste menacent la vie des milliards d’êtres humains condamnés à la misère, aux maladies et à la mort précoce. »[11] Cela, personne ne nierait que c’est préalablement et intentionnellement planifié, à l’insu de la grande masse qui n’a que faire des prospectives, laissant son sort être rythmé au bon vouloir des grands de ce monde.

Parlant de la guerre secrète contre les peuples, Claire Séverac fait remarquer que le système complotiste a pris soin de tester « les réactions psychologiques des peuples par des films, par la voie de la science-fiction, un avenir ressemblant furieusement au programme concocté dans les cénacles oligarchiques. »[12] Un certain nombre de fictions jadis montées et mises à la portée du public semblent à présent se réaliser à travers les événements du quotidien. Etait-il question de simulation, de prévision ou de jeu pur et simple ? Quel rapport y a-t-il entre les concepteurs de ces fictions et les acteurs des drames actuels ? Il est également fait recours à tant de stratagèmes parmi lesquels la stratégie du dégradé. Celle-ci, Olivier Clerc l’explique par la métaphore de la grenouille. Selon lui, « si l’on plonge une grenouille dans de l’eau bouillante, elle va rassembler ses forces, bondir et s’arracher du chaudron. Si on la met dans de l’eau froide que l’on réchauffe peu à peu, elle va d’abord trouver ça agréable, puis peut-être un peu trop chaude, elle va supporter et s’habituer jusqu’à ce que ce soit intolérable mais, là, elle sera trop épuisée pour trouver la force de s’en tirer. C’est ce que font les gouvernants »,[13] conclue-t-il, pour faire accepter des mesures inacceptables comme celle de l’Agenda ID2020 dont nous parlerons plus loin, et qui pourrait être le terminus ad quem de la pandémie actuelle.

Syndrome d’Adam et Ève

L’apparition du coronavirus 2019 fait recourir de plus en plus bien des langues à l’existence d’un complot possible. Des soupçons d’ordre horizontal (entre superpuissances mondiales) et ceux d’ordre vertical (concernant les pays pauvres vis-à-vis des grandes puissances). Il se remarque donc que les pays riches éprouvent une peur double : d’une part, à l’égard de ceux de leur niveau économique et politique, de peur qu’ils ne les dépassent et ne les soumettent ; et de l’autre, à l’égard des pays pauvres perçus comme dangereux, vu qu’ils comptent sur leur prétendue générosité à travers la politique de la main tendue, et qu’ils risquent, par ailleurs, de gaspiller les ressources nécessaires à l’enrichissement des pays développés qui les prennent par ailleurs pour des bouches inutiles. Quant aux pays sous perfusion du monde en développement, ils éprouvent crainte et tremblement face à leurs maîtres-bienfaiteurs dont ils perçoivent difficilement l’intention de les laisser s’émanciper de leur tutelle, en dépit des indépendances de plâtrage pilotées par des dirigeants « zombifiés », comme dirait Kä Mana.

Pour les uns, il s’agit d’un plan secret de la CIA pour déstabiliser le régime chinois, un complot des milliardaires, Bill Gates notamment, pour réduire la population mondiale de 10 à 15 %[14], des manœuvres des laboratoires pour écouler des vaccins, ou d’une arme de Pékin contre ses dissidents… Les anti-vaccins affirment que le coronavirus est destiné à convaincre les populations de se faire vacciner et/ou accepter l’implantation de la puce RFID sans laquelle personne ne saura mener ses activités, vu qu’en cas de désobéissance, elle pourrait être bloquée à son insu (cf. Agenda ID2020, cette alliance de partenaires permettant la mise en place d’un programme d’identification numérique de la population, sous couvert de vaccination généralisée[15]). Cette puce électronique pourra faciliter le télécontrôle, et par conséquent, la téléhypersubordination des citoyens du monde dont une simple insubordination suffira pour être désactivés du système. À ce niveau aussi, les groupes pharmaceutiques sont pointés du doigt, accusés de vouloir réaliser des profits grâce à la mise au point d'un remède, après avoir propagé volontairement le coronavirus.  

À l’allure où vont les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les avancées techniques en matière d’intelligence artificielle et toute autre innovation scientifique, il y a lieu d’admettre, hors de tout doute, que notre société a dépassé les états théologique et métaphysique, pour atteindre pleinement l’état positif au sens d’Auguste Comte. Néanmoins, à force de chercher l’auteur (réel ou fictif) du Covid-19, deux possibilités apparaissent à l’intuition : soit cet auteur est humain, et alors, l’explication sera positive et/ou métaphysique, car l’auteur serait à prendre pour un sorcier ; soit cet auteur n’est autre que la nature, et dans ce cas, l’explication pourrait être métaphysique, si la raison est non un processus naturel mais plutôt quelque force abstraite ayant contaminé les humains. Pour certains croyants, et ils sont nombreux, ce désastre humanitaire serait dû au châtiment que le ciel/l’au-delà aurait infligé aux humains suite à leur méconduite. Et dans ce cas, l’explication aura été théologique, en dépit de la prétention positiviste de la société moderne.

Nonobstant, par boucémissérisation, les deux principales parties (Chine-USA) s’entre-accusent, sans qu’aucune n’ait à reconnaître sa moindre part de responsabilité dans la survenue et les conséquences néfastes du Covid-19. D’autres pensent que l’origine du Covid-19 se situerait dans un laboratoire destiné à la mise au point d’armes biologiques, sans qu’on ne sache exactement à quel pays appartiendrait ledit laboratoire, vu que toutes ces deux puissances et quelques autres en disposent. Admettons donc qu’ « il est bien trop aisé de faire peser nos erreurs et nos fautes sur l’autre, coupable idéal qui permet à tous de regarder ailleurs sans voir la brèche que l’on creuse sous nos propres pieds »[16], dirait Michel Rocard. Pour lui comme pour bien d’autres esprits éclairés, la mort des civilisations est beaucoup plus due à des éléments intérieurs qu’extérieurs. C’est ce qui lui faisait dire encore que « le risque semble évidemment plus naître d’un suicide que d’un meurtre de notre modèle de société »[17]. Est-ce peut-être aussi ce qui faisait penser à Hervé Kempf que la fin de l’Occident serait la naissance du monde ?[18]

En ce sens, Boris Cyrulnik[19] affirme que quand l’ennemi est visible, on peut fuir, l’agresser, s’associer, tandis que lorsqu’il ne l’est pas (tel le cas du Covid-19), on ne sait pas qui il est, quelle forme il a, d’où il vient, et combien de temps il va durer ; cela entraîne alors l’angoisse. Par conséquent, les réactions sont désorganisées dans un premier temps. Aussi, le danger prévisible, c’est de trouver un bouc émissaire, c’est-à-dire, celui par qui le mal serait arrivé.

Réagissant, à l’époque, aux propos de Barack Obama qui affirmait, à l’occasion du Sommet sino-américain, que les relations bilatérales entre les États-Unis et la Chine allaient « façonner le XXIe s », le Vice-Premier ministre chinois avait précisé que les USA et la Chine ne pouvaient à eux seuls résoudre les problèmes du monde, mais que, sans eux, « rien ne pouvait se régler ».[20] Convient-il d’ajouter peut-être aussi que par eux, tout est possible, le meilleur comme le pire !

Pour une certaine opinion,  l’Occident, pour nuire à la Chine, passe par différents types de fronts : économiques, politiques, idéologiques et même militaires pour, en fin des comptes, embraser le monde[21]. La raison en serait que l’arme biologique constitue l’ultime arme de déstabilisation sanitaire, économique, sociale et politique dont dispose l’impérialisme américain[22]. L’avantage serait que ces types d’armes présenteraient de multiples avantages sur bien d’autres armes, dans la mesure où : 

elles font moins de bruit que les bombes et ne détruisent pas l’outil industriel ;  elles sont plus faciles à employer à l’insu de l’opinion publique ; elles peuvent être employées sous d’intensités variables, allant des simples symptômes grippaux jusqu’à la détresse respiratoire aiguë provoquant la mort ;  elles permettent d’opérer une « sélection au sein d’une population ». Par exemple, la souche C du Covid-19 dominante à Wuhan  y a provoqué un taux de létalité négligeable chez les sujets âgés de moins de 40 ans, alors que ce taux montait à près de 4% chez les patients âgés de 60 à 69 ans, à 8% chez les 70 à 79 ans, et à plus de 15% chez les plus de 80 ans[23].

Wuhan ne s’en est sorti qu’au terme de 11 semaines de confinement, le 08 avril 2020, bien que par la suite, il y ait eu quelques cas de malades guéris re-contaminés.

Pour d’autres, le Covid-19 ne serait que l’œuvre de la Chine elle-même, vu qu’en dépit du nombre de victimes fait au départ, la maîtrise qui en a progressivement été faite pour céder la place à l’Occident serait une preuve suffisante de la possession d’un antidote préalablement disponible, pour affaiblir le reste du monde et mieux le dominer à travers les solutions ultérieures à mettre à sa portée.

Pour d’autres encore, l’État et les sociétés transnationales seraient déterminés à faire tomber une économie déjà malade, pour reconfigurer les économies et enfin établir un plan mondialiste de gouvernement mondial centralisé, longtemps recherché et admis par le grand public. Ce plan fasciste pourrait être vendu comme un effort pour réaliser la paix, la sécurité, la justice et les systèmes de médiation à l’échelle mondiale[24].

Parlant du Covid-19 en raison de la situation telle qu’elle se présentait le 24 mars 2020, Larry Romanoff[25] soulignait que toute vérité compte trois étapes : 1) D’abord, on la tient pour nulle et non avenue ; 2) ensuite tout le monde la tourne en ridicule ; enfin, 3) on la tient pour allant de soi. Il ajoutait que nous en étions à la deuxième étape, et que les médias étaient, au départ, sourds aux virologues chinois, mais que nous finirons par entrer dans la troisième phase, où les médias commenceront à admettre d’abord la possibilité, puis la probabilité, puis le fait même que les États-Unis sont effectivement le point de départ du « virus chinois ». Ce principe peut aussi être appliqué aux innombrables résistances subies par le Docteur Li Wenliang  et le professeur Didier Raoult suite à ses prises de positions allant à l’encontre de ce que les médias font croire au commun des mortels.

 

[1] cf. Arnaud de la Croix, 13 complots qui ont fait l’histoire, p.5. Extrait en ligne sur file:///D:/Mondialisation/Coronavirus/13%20complots%20qui%20ont%20fait%20l'histoire.pdf

[2] Knight cité par Jérôme Jamin, L’imaginaire du complot : Discours d’extrême-droite en France et aux États-Unis, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2009, p.43.

[3] Arnaud de la Croix, 13 complots…op.cit., p.23.

[4] Jérôme Jamin, L’imaginaire du complot…op.cit., p.45.

[5] ibid.,  p.50.

[6] ibid.

[7] ibid., p.45.

[8] Will Eisner, Le complot : L’histoire secrète des Protocoles des sages de Sion, Traduction de Pierre-Emmanuel DAUZAT, s.l., Grasset & Fasquelle pour la traduction française, 2005, pp.5-6.

[9] Anonyme, Protocoles des sages de Sion, Traduction LAMBELIN, p.41.

[10] ibid.

[11] Benoît Awazi Mbambi Kungua, Déconstruction phénoménologique et théologique de la modernité occidentale : Michel Henry, Jean-Luc Marion et Hans Urs von Balthasar, L’Harmattan, Paris, 2015, p.166.

[12] Claire Séverac, La guerre secrète contre les peuples (Ne leur pardonnez pas ; ils savent ce qu’ils font), s.l., Élie et Mado/Kontre Kulture, 2015, p.11.

[13] Olivier Clerc cité par Claire Séverac, La guerre secrète…op.cit., p.326.

[14] https://www.mondialisation.ca/bill-gates-et-le-programme-de-depeuplement-robert-f-kennedy-junior-demande-une-enquete/5644453

[15]http://www.parolesdedieu.fr/mise-en-place-dun-programme-didentification-numerique-de-la-population-sous-couvert-de-vaccination-generalisee/

[16] Michel Rocard, Suicide de l’Occident, suicide de l’humanité ? Paris, Flammarion, 2015, p.245.

[17] Michel Rocard, Suicide de l’Occident…op.cit., p.247.

[18] Hervé Kempf, Fin de l’Occident, naissance du monde, Paris, Seuil, 2013.

[19] Boris Cyrulnik, « On est envahi par un virus, c’est un acte de résistance ». Interview avec Nathalie Levy sur Europe 1, en ligne sur www.youtube.com

[20] Jean-Louis Chambon (dir.), La Chinamérique : un couple contre-nature ? Paris, Éditions d’Organisation/Groupe Eyrolles, 2010, p.17.

[21] Andre Vltchek, « Le WUC ouïghour est utilisé par l’Occident pour embraser le monde », en ligne sur www.mondialisation.ca

[22] Vincent Gouysse, « Covid-19: la stratégie de déni du Capital Atlantiste est vouée à l’échec », en ligne sur www.mondialisation.ca

[23] Vincent Gouysse, art.cit.

[24] Kurt Nimmo, « La leçon de la Covid-19 : l’État a un monopole sur la coercition et la violence », en ligne sur www.mondialisation.ca

[25] Larry Romanoff, « Coronavirus chinois, une mise à jour choquante: le virus vient-il des USA? Rapports du Japon, de la Chine et de Taïwan sur l'origine du virus », en ligne sur www.mondialisation.ca/theme/fr-science-et-m-edecine

Qui contre qui ?

Déjà avant la survenue du Covid-19, des mesures protectionnistes du régime Trump affichaient une sorte de jalousie. Même au sujet du réchauffement climatique pour lequel Trump est classé parmi les plus grands climato-sceptiques, il affirmait que ce problème n’est qu’un montage de la Chine pour décourager l’économie américaine. C’est ce qui, par ailleurs, l’amena à ne pas appuyer la COP21 et la Convention qui en résulta. Ce sont là des préludes faisant état d’une lutte dont les pauvres qui, par ailleurs, sont dans l’obligation d’hypothéquer leur nature pour la protection contre le réchauffement climatique, sont victimes du « développement ».

Tout de même, il sied de reconnaître que « le risque d’une nouvelle pandémie a été évoqué à des nombreuses reprises depuis quinze ans »[1], par des services de sécurité et des scientifiques pris pour de lanceurs d’alarme, comme nous allons le démontrer.

L’analyse basée sur des documents déclassifiés du Conseil National du Renseignement américain aboutissent, depuis 1997, à un rapport retraçant la carte probable du monde futur élaboré chaque fois après quatre ans, dans l’intention d'encourager des discussions ouvertes et éclairées à propos des risques et possibilités à venir. Tout en ne représentant pas une vision officielle des services de renseignement américains, ces rapports sont éclairants à plus d’un titre, si bien que les décideurs auraient dû y prêter attention pour se préparer aux risques et catastrophes, comme c’est le cas à présent. Pourtant, en dépit de ces alertes, les gouvernants ne donnent pas l’impression d’avoir pris ces alertes au sérieux.

Des prédictions faites par la CIA en 2005 sur ce que serait le monde en 2020, en 2009, ce qu’il serait en 2025 et, en 2017, ce qu’il serait en 2035, l’on s’accorde à noter que toutes font état de la survenue d’une pandémie. Et cette prédiction correspond effectivement à ce qui se passe et s’étend à l’aube de l’an 2020, avec le Covid-19 ! En effet, le Rapport de la CIA faisant la cartographie du futur, sur ce que serait le monde en 2020 soulignait ce qui suit :

« Certains experts croient que l’apparition d’une nouvelle pandémie n’est qu’une question de temps. Le phénomène serait comparable au virus de la grippe de 1918-1919 qui, d’après les estimations, tua vingt millions d’individus dans l’ensemble de la planète. (…) Si le bilan des victimes atteignait des millions de vies humaines dans plusieurs grands pays, alors la mondialisation serait en péril. La propagation de la maladie mettrait un terme aux voyages internationaux et au commerce mondial sur une longue période. Elle forcerait les gouvernements à dépenser d’énormes ressources dans des structures de santé publique dépassées par la situation. »[2]

Ainsi dit, ainsi fait, le Covid-19 est bel et bien là ; naturel ou œuvre de mains humaines ? Ce rapport ajoute que « de fortes concentrations de population et des voyages de plus en plus aisés vont favoriser la propagation des maladies infectieuses, au risque de voir éclater des pandémies. »[3] Le présent est témoin et acteur de cette prédiction d’il y a quinze ans. Seul l’avenir sait mieux si les chiffres tels qu’indiqués en termes de décès seront atteints ou dépassés.

Et la CIA, pour 2035, de préciser qu’ 

« en augmentant les contacts à l'échelle mondiale et en modifiant les conditions environnementales, on affecte la distribution géographique des éléments pathogènes et leurs hôtes qui, à leur tour, favorisent l'émergence et la transmission de nombreuses maladies infectieuses humaines et animales. Les failles des systèmes de santé et du contrôle des maladies rendront les épidémies plus difficiles à repérer et à gérer, augmentant les risques de pandémie et de contagion bien au-delà des zones d'origine. »[4]

Ce même rapport prédit que l'épidémie mondiale de 2023 réduit considérablement les voyages internationaux en raison des réglementations destinées à contenir la propagation de la maladie, mais aussi participe au ralentissement du commerce international et à la baisse de la productivité.[5] Erreur de frappe (2023 au lieu de 2020) ou coïncidence avec le Covid-19 marquant l’an 2020 ?

Curieusement, en octobre 2019, soit trois mois avant la survenue du coronavirus, un événement appelé Event 201, sous la houlette du Johns Hopkins Center for Health Security, en partenariat avec le Forum économique mondial et la Fondation Bill & Melinda Gates, précisément le 18 octobre 2019, de 8h45 à 12h30, au Pierre, un hôtel de luxe de Manhattan, à New York[6], visait à simuler une pandémie à coronavirus affectant presque tous les pays du monde. Quinze dirigeants d'entreprises, de gouvernements, de scientifiques et de services de santé publique du monde entier, et un public de 130 personnes invitées, ont participé à l'exercice de simulation[7]. Il semble que des exercices de ce genre visent à aider les décideurs politiques à mieux comprendre les défis urgents auxquels ils pourraient être confrontés dans le cadre d'une crise réelle et dynamique. Pourtant, la manière dont le Covid-19 est géré ne donne pas l’impression que ces décideurs avaient réalisé qu’il fallait se préparer.

Le scénario d’octobre 2019 aboutit à la conclusion selon laquelle une pandémie généralisée au bout de six mois, ferait 65 millions de morts au bout de 18 mois. Curieusement, trente jours après cet exercice de simulation, soit le 17 novembre 2019, le premier cas documenté du coronavirus COVID-19 serait apparu[8]. En guise de préparation à cette probabilité, il avait été proposé sept actions suivantes[9] :

  1. Les gouvernements, les organisations internationales et les entreprises devraient planifier comment les capacités essentielles de l’entreprise seront utilisées lors d’une pandémie à grande échelle.
  2. L’industrie, les gouvernements nationaux et les organisations internationales devraient travailler ensemble pour améliorer les stocks de contre-mesures médicales détenus afin de permettre une distribution rapide et équitable pendant une grave pandémie.
  3. Les pays, les organisations internationales et les sociétés de transport mondiales devraient travailler ensemble pour maintenir les voyages et le commerce pendant les pandémies graves.
  4. Les gouvernements devraient fournir davantage de ressources et de soutien pour la mise au point et la fabrication accélérée de vaccins, de produits thérapeutiques et de diagnostics qui seront nécessaires pendant une grave pandémie.
  5. Les entreprises mondiales devraient reconnaître le fardeau économique des pandémies et lutter pour une meilleure préparation.
  6. Les organisations internationales devraient accorder la priorité à la réduction des impacts économiques des épidémies et des pandémies.
  7. Les gouvernements et le secteur privé devraient accorder une plus grande priorité à l’élaboration de méthodes de lutte contre les erreurs et la désinformation avant la prochaine riposte à la pandémie.

Alors que ces informations étaient disponibles, la manière dont la maladie à coronavirus est gérée prouve que soit le message n’était pas parvenu aux décideurs, soit que ces derniers n’avaient pas mesuré le sérieux du message leur transmis.

Pour sa part, faisant l’histoire de l’avenir, Yuval Harari avait prédit qu’ « il est probable qu’à l’avenir de nouvelles grandes épidémies ne continueront de mettre en danger l’humanité que si celle-ci les crée au service d’une idéologie implacable. (…) Mais il se pourrait bien qu’on finisse par la regretter. »[10] Or, les puissances s’entraccusent pour prétendre que cette maladie serait l’œuvre de mains humaines, personne n’admettant que c’est de son côté que cela vient. Quant à J. Attali, faisant une sorte d’histoire de l’avenir, il soulignait déjà en 2006, que « des armes chimiques viendront tuer des dirigeants sans pouvoir être détectées ; des épidémies de masse seront déclenchables à volonté ; des armes génétiques complexes seront un jour spécialement dirigées contre certains groupes ethniques. Des nano-robots de la taille d’un grain de poussière, dits gelée grise, effectueront des missions de surveillance furtive et attaqueront les cellules du corps des ennemis. »[11] Sachant cela, il va donc de soi que les pays pauvres auxquels il est souvent reproché de regorger d’une population immense, se sentent visés par cette survenue du coronavirus, vu qu’à l’allure où vont les choses, leurs systèmes de santé déficitaires ne sauraient aucunement y faire face.

Bill Gates souvent indexé au sujet de sa prétention à aider la population mondiale, avait au cours d’une conférence TEDx en 2015, souligné que le monde ne semblait pas être prêt à faire face à une pandémie qui pourrait survenir au cours de la décennie qui devait suivre.[12] N’est-ce pas là ce à quoi nous assistons dans divers pays du monde face au Covid-19 ? Des policiers français menaçant de ne pas jouer leur rôle si les masques ne leur sont pas fournis ; des médecins français peu confiants dans leurs gouvernants au sujet des commandes de matériels de lutte et exigeant que lumière soit faite à ce propos ; des médecins prenant la poudre d’escampette face à un cas positif de Covid-19 ; confinement décrété puis annulé à Kinshasa ; opérations électorales organisées en dépit de la présence du fléau au Mali et en Guinée Conakry ; guerre de thérapies entre scientifiques semblant parfois être politisés ; habitants préférant la maladie à la faim ; travailleurs saisonniers révoltés en Inde ; citoyens sans accès à l’eau potable et à l’électricité dans les bidonvilles américaines, suite aux dettes cumulées et à une vie précaire ; débordement des hôpitaux en Italie et aux USA ; lenteur administrative et politique dans la reconnaissance de la maladie en Chine ; une Chine se présentant en bienfaitrice pour la lutte contre la Covid-19, alors qu’elle avait été sourde aux alertes de son digne fils faussement accusé d’avoir propagé des rumeurs, au point de le laisser mourir avant de reconnaître son héroïsme ; des Italiens retirant des drapeaux de l’Union Européenne pour les remplacer par celui de la Chine, car déçus par l’indifférence européenne faisant penser à un futur Italexit[13] suite au manque de solidarité européenne ; du matériel médical confisqué par certains pays au détriment de ceux en ayant passé la commande ; une Amérique puissante et sur-militarisée mais devenue le point névralgique du Covid-19, avec le plus de victimes au monde… C’est vraiment l’impuissance de la puissance que révèle cette calamité !

 

[1] India Omari, « Coronavirus, une mafia au sommet des États-Unis et des institutions de l’ONU; les USA et l’OMS, deux acteurs du covid-19 ». En ligne sur https://congoreformes.com/2020/04/07/tribune-covid-19-une-mafia-au-sommet-des-etats-unis-et-des-institutions-de-lonu-les-etats-unis-et-loms-deux-acteurs-du-covid-19-india-omari/

[2] CIA, Le Rapport de la CIA : Comment sera le monde en 2020 ? Présenté par Alexandre Adler, Traduit de l’américain par Johan-Frédérik Hel Guedj, s.l., Robert Laffont, s.d., pp.111-112.

[3] CIA, Comment sera le monde en 2020 ?...op.cit., p.155.

[4] National Intelligence Council, Le monde en 2035 vu par la CIA et le Conseil national du renseignement : le paradoxe du progrès, s.l., Éditions des Équateurs, 2017, p.65.

[5] National Intelligence Council, Le monde en 2035…op.cit., p.101.

[10] Yuval Noah Harari, Homo deus…op.cit., p.21.

[11] Jacques Attali, Une brève histoire de l’avenir, Paris, Fayard, 2006, p.153.

Se débarrasser d’une population inutile ?

Dans une logique prospectiviste/futurologiste, des prédictions ont été faites, comme présenté à titre exemplatif plus haut. Si ce qui arrive au monde actuellement n’est pas l’œuvre d’une machination préalable d’une partie des humains, alors, ces futurologues sont à féliciter, car ils auront été les prophètes ou les voyants de notre temps, c.à.d., des gens qui, sur base d’une saine logique, auront « dit d’avance des événements à venir, puisque convaincus que si telles ou telles conditions se trouvent remplies, il se produira nécessairement tel effet. »[1] Comme voyants, ils auront fait appel à leur acte de foi. Ces prophètes et/ou voyants auront perçu le futur dans une sorte de téléobjectif, comme un ensemble de petites catastrophes[2] dont ils ont parlé à leurs contemporains, afin de s’y préparer pour en prévenir la survenue ou pour en atténuer les effets. À ce propos, deux possibilités nous viennent à l’esprit : soit tous ou quelques lanceurs d’alerte ont vraiment pensé juste, soit  ils n’ont fait que faire le fou du roi pour dire tout haut ce dont ils avaient entendu parler ou ce à quoi ils avaient participé en termes d’acteurs de la préparation de ce qui survient.

Retenons que « la prospective se pense fondamentalement comme un instrument d’aide à la décision, un guide pour déterminer des actions qui contribueront à définir le contenu du futur. »[3] C’est, pour faire simple, « un regard sur l'avenir destiné à éclairer l’action présente ».[4] Elle fait recours aux méthodes telles : l’analyse structurelle qui, sur base d’hypothèses de départ, construit des scénarios, c.à.d. des histoires racontant différents futurs possibles (des "futuribles") ; l’analyse des stratégies d’acteurs consistant à concevoir un futur ouvert dont la réalisation dépendra plus ou moins des décisions que prendront les acteurs ; et l’analyse morphologique et la construction des scénarios : elle consiste à identifier l’architecture de la structure étudiée, pour définir enfin des configurations possibles de chaque sous-système, aboutissant à un « espace morphologique » basé sur les configurations et futurs possibles de chaque composante.[5]

L’humanité aura tort de n’avoir pas tenu compte de leurs prédictions, à moins qu’elle n’en ait pas été au courant. Néanmoins, si, tout en étant prophètes, ils ont profité de leur vision des choses pour en faire profiter aux capitalistes néolibéraux afin de les mieux faire assouvir leur soif de l’avoir et du pouvoir, ils auront été pour quelque chose dans ce qui nous arrive et décime le monde. En effet, ils auront non seulement été prophètes, mais en plus de cela, ils auront contribué à la planification des événements malheureux. Et dans ce cas, ils n’auront été que des sorciers modernes ayant besoin d’être exorcisés pour délivrer le monde de leurs machinations.

Faut-il cependant faire remarquer qu’il est, à ce sujet, deux extrêmes à éviter : le premier consiste à ne tout expliquer que sous l’angle et la grille de lecture du complot ; le second consiste à nier purement et simplement l’existence de quelque complot que ce soit, même dans les cas les plus évidents. Le juste milieu serait d’investiguer, c’est-à-dire, de douter méthodiquement, et ainsi, par une sorte de pensée critique, distinguer ce qui est complot de ce qui ne l’est pas. Nonobstant, il sied d’admettre qu’aucun comploteur n’admettra et n’aura nul intérêt d’admettre qu’il en existe un. Cela est bien sécurisant.

Face aux crises déjà vécues et celles probables, J. Attali faisait remarquer en 2009, qu’il convient de profiter des crises

« pour prendre conscience de quatre vérités simples mais, selon lui, trop souvent oubliées : 1) Chacun, laissé libre de le faire, va au bout de ce qui peut servir ses intérêts, même au détriment de ceux de ses propres descendants; 2) l'humanité ne peut survivre que si chacun des humains se rend compte qu'il a intérêt au mieux-être des autres; 3) le travail, sous toutes ses formes, surtout à visée altruiste, est la seule justification de l'appropriation de richesses; 4) le temps est la seule denrée vraiment rare; toute activité qui contribue à en augmenter la disponibilité et à lui conférer sa plénitude doit être particulièrement bien rémunérée. »[6]

Les tenants d’une sorte de complot contre la population, africaine et asiatique surtout, se basent sur l’argument de « l’explosion démographique » qui constituerait un danger pour le présent et l’avenir de l’humanité. La théorie de proue brandit est celle selon laquelle, comme l’affirmait son ténor T.R. Malthus, « pour améliorer le sort des pauvres, il faut que le nombre proportionnel des naissances diminue ».[7] Il se justifiait par le fait que cela contribuerait à améliorer d’une manière permanente la santé et le bonheur de la masse du peuple, tout en soutenant qu’il s’agit d’un moyen qui serait le seul qui puisse produire un accroissement constant de population vraiment utile.[8] Comme pour dire qu’il existerait donc une certaine population inutile dont il faille se débarrasser ! Il résulte de cette théorie, deux tendances : l’une soutenant que la population constitue une bombe à retardement, et l’autre estimant qu’il n’y a de richesses que d’hommes.

Dans ce même ordre d’idées, appliquant la loi de Pareto à la société, Zbigniew Brzenziński avait prédit que « 20% de la population suffisant à faire tourner le système, 80% seront des bouches inutiles » ![9] Si complot il y a donc, cette pandémie viserait à se débarrasser des bouches estimées « de trop », afin de ne garder que la population « strictement utile ». Est-ce peut-être aussi pour cette raison que « 1 % de la population mondiale possède autant de richesses que les 99 % restants »[10] ? Et Claire Séverac de faire remarquer qu’en réalité, cela signifie que « les 1% n’ont plus besoin de cette masse grouillante ni de leur descendance. »[11] C’est pourquoi certains pays développés, notamment les États-Unis, ont même mené des expériences pour créer des humains génétiquement modifiés, afin d’éviter des humains « inutiles ».

Il faut ne pas être au courant de ces faits pour nier l’existence possible du complot d’une partie des humains (ceux ayant confisqué le gros de l’avoir et du pouvoir) contre une autre (la pauvre multitude prise pour inutile vivant comme si elle était dans une multitude d’enfants de chœur). Certains vont même jusqu’à proposer « une population totale comprise entre 250 et 300 millions de personnes, soit une baisse de 95% par rapport aux niveaux actuels, [comme étant] l’idéal » ![12]  La raison en est qu’à leur point de vue, « tous nos problèmes sont le résultat d’un excès de reproduction de la classe ouvrière. »[13] Les négateurs du complot auraient intérêt à écouter Bill Gates, cet « obsédé de vaccinations en masse des petits Africains, alors que ceux-ci meurent surtout de faim »[14],  dire : « Il y a 6,8 milliards d’habitants sur la Terre, bientôt 9 milliards ; maintenant, si l’on fait vraiment un super boulot avec les nouveaux vaccins, les services de santé reproductive, on pourrait réduire ces chiffres de 10 à 15%. »[15] C’est probablement là-même la raison qui fait voir à Lionel Lestruc dans la Fondation Bill et Melinda Gates, « l’art de la fausse générosité »[16], car sachant que cette fondation est derrière différentes stratégies malthusiennes mises en œuvre, pour favoriser une économie « stimulée par l’avidité et l’insatiabilité humaine (…) générant une sorte d’anthropophagie structurelle où l’excès de la minorité génère l’insuffisance et la précarité de la majorité. »[17] On ne saurait donc pas comprendre, pour ce qui est de la fondation précitée, que quelqu’un prétende aider ceux que, pourtant, il cherche à éliminer, vu qu’il les prend pour un trop-plein de la société ; ce trop-plein à déverser au moyen de vaccinations, et d’avortements même postnataux ! La grossesse risquant d’être, en ce sens, prise pour un crime à réprimer ! Pourtant, le vrai problème réside au niveau des inégalités entretenues entre les centres et les périphéries.

Or, « dans une société inégalitaire où les élites s’approprient les richesses, (…) l’effondrement est difficilement évitable, quel que soit le taux de consommation. (…) À un faible taux de consommation global, comme on peut s’y attendre, la caste des élites se met à croître et accapare une grande quantité de ressources au détriment des commoners. Ces derniers, affaiblis par la misère et la faim, ne sont plus capables de fournir suffisamment de puissance de travail pour maintenir la société en place, ce qui mène à son déclin. Ce n’est donc pas l’épuisement des ressources, mais l’épuisement du peuple qui cause l’effondrement d’une société inégalitaire relativement sobre en consommation de ressources. Autrement dit, la population disparaît plus vite que la nature. (…) Dans le cas d’une société inégalitaire qui consomme beaucoup de ressources, le résultat est le même, mais la dynamique est inverse : la nature s’épuise plus vite que le peuple, ce qui rend l’effondrement rapide et irréversible. »[18]

Parlant de déséquilibres géographiques en 2030, des chercheurs ont, en 2013, estimé qu’au cours des vingt années à venir, une explosion démographique porterait l’humanité de 7,2 à 8,3 milliards d’individus, et que cette augmentation se traduirait par un creusement du déséquilibre démographique entre le monde développé et le monde en développement, vu qu’en 2050, 86% de la population mondiale résiderait dans les pays actuellement en développement, et que la population européenne serait vraisemblablement inférieure à celle du Nigéria[19]. Est-ce là la crainte des pays du Nord ? Peut-être, eu égard au fait qu’alors que l’on fait croire aux pays en développement que leur démographie est cause de leur retard, les faits montrent tout de même que la Chine, tout en étant le pays le plus peuplé du monde, est curieusement la deuxième économie mondiale, et que le Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique, constitue la première économie africaine ! De même, l’Inde, deuxième pays le plus peuplé du monde mais probable premier en 2050, fait bel et bien partie des pays émergents. Rationnellement gérée, la population constitue, en ce sens, non un danger mais plutôt une chance.

Ce qui prouve que la population fait horreur c’est qu’il y a la violence des riches[20] qui, par peur du futur, attaquent physiquement, mentalement et économiquement les pauvres, les conduisant ainsi à une servitude involontaire faite de peurs et d’inconforts subis. Cette domination procède notamment par les dettes et l’infantilisme économique, psychologique et idéologique aboutissant à une régression mentale des peuples finalement incapables de pensée critique. Bref, il s’agit d’une sorte de « fabrique de l’impuissance » populaire. Le commun des mortels se laisse donc faire, par une sorte de ce que Naomie Klein qualifierait de « stratégie du choc » ; on dirait à juste titre, « la stratégie du chaos » (ordo ab chao), ou même ce que Manlio Dinucci qualifierait de « stratégie du chaos organisé »[21]. Il s’agit chaque fois pour eux, de « semer la peur, sortir l’antidote et rafler la mise ! »[22] C’est le cas avec la maladie à coronavirus par laquelle est entretenue une phobie chronique devant amener les citoyens à admettre ce qu’ils n’admettraient sans cela.

Fort convaincu que « la misère des pays pauvres peut être atténuée par une bonne gouvernance »[23], l’agroéconomiste Simon Sebagabo s’oppose à l’avis de Malthus pour qui les gens sans économies à laisser à leurs enfants ne devaient pas fonder un foyer, afin de lutter contre la pauvreté. Il se justifie, non sans raison, par le fait que la limitation des naissances diminue les naissances, mais ne crée pas pour autant le développement ! À son avis, le problème est ailleurs. Or on ne saurait résoudre un problème en ayant posé une mauvaise question. Il s’agirait d’une bonne solution à un faux problème, ou une fausse solution à un vrai problème. L’auteur reste convaincu que c’est plutôt l’égoïsme des riches qui crée la pauvreté. Et pour prouver que les naissances ne constituent pas en elles-mêmes un danger, il rappelle que beaucoup de pays jadis considérés comme des cas de désespoir économico-démographique, sont à présent en train d’occuper le terrain qui était réservé aux Occidentaux (les BRICS et les Next Eleven, c.à.d. : Égypte, Indonésie, Iran, Corée du Sud, Mexique, Nigéria, Pakistan, Philippines, Turquie, et Viêt Nam). D’ailleurs, conclue-t-il, en 2050, les États-Unis seront définitivement déchus de leur titre de première puissance économique mondiale, au profit de la Chine[24].

Bien plus, le motif le plus avancé par les partisans de la dépopulation est celui malthusien relatif aux ressources, arguant que la population croît suivant une progression géométrique alors que les moyens de subsistance croissent suivant une progression arithmétique. Donc, lorsqu’une unité de ressource s’ajoute à l’existant, la population qui les consomme double. Malthus le dit en ces termes :

« Considérons maintenant la surface de la terre, en posant comme condition qu'il ne sera plus possible d'avoir recours à l'émigration pour éviter la famine. Comptons pour mille millions le nombre des habitants actuels de la Terre. La race humaine croîtra selon la progression 1, 2, 4, 8, 16, 32, 64, 128, 256... tandis que les moyens de subsis­tance croîtront selon la progression 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9. Au bout de deux siècles, population et moyens de subsistance seront dans le rapport de 256 à 9 ; au bout de trois siècles, 4 096 à 13 ; après deux mille ans, la différence sera immense et incalculable. »[25]

Contre cet argument, en 2017, Simon Sebagabo[26] soutient, partant de la densité de 13 pays d’Afrique centrale et orientale, que la plupart d’entre eux ne dépassent pas 100 habitants au km². Selon son étude, ces pays sont, dans leur ensemble, faiblement peuplés, vu que 50% n’atteignent même pas 50 habitants au km², et que 70% ne dépassent pas 100 habitants au km². D’ailleurs, martèle-t-il, la densité moyenne est de 42 habitants au km². Ainsi, tout en supposant que chaque ménage est d’une taille de 5 personnes, il a estimé que les 42 habitants au km²[27] formaient environ 8 ménages au km², soit 12 ha par ménage. En supposant même que tout ce monde vivrait de l’agriculture, il n’y aurait pas de problème d’alimentation pour eux. Et en ne prenant que 50% de la superficie disponible et une culture annuelle, il y aurait en suffisance pour les ménages : 6 ha pour un ménage dont 1,2 ha seraient sous cultures et 4,8 ha sous jachère. Compte tenu de la pluviométrie favorable, chaque ménage peut cultiver deux fois par an ; ce qui ferait un total de 12 ha s’il cultivait toute sa terre. Et vu qu’une bonne partie de la population vit en ville, la disponibilité de terres pour les ménages ruraux augmenterait, au point de ne poser aucun problème de superficie, pourvu qu’il y ait une répartition juste, et leur exploitation rationnelle. De ce qui précède dérive, par conséquent, qu’il y a anguille sous roche derrière les politiques anti-natalistes, comme le révèle la situation ci-dessous décrite.

 

[1] Samuel De Montaudoux, Prophéties pour le 21è siècle : l’Apocalypse ou la Civilisation de l’Amour ? Montsurs, éd. Résiac, 1994, p.9.

[2] Samuel De Montaudoux, Prophéties pour le 21è siècle…op.cit., p.10.

[3] Philippe MOATI, Cahier de recherche : Esquisse d’une méthodologie pour la prospective des secteurs, une approche évolutionniste, Centre de Recherche pour l'Étude et l'Observation des Conditions de Vie, Département « Dynamique des Marchés », Université Paris 7, n° 187, octobre 2003, p.6.

[4] ibid.

[5] cf. Philippe MOATI, Cahier de recherche : Esquisse d’une méthodologie…op.cit., pp.7-11

[6] Jacques Attali, La crise, et après ? Édition actualisée, Paris, Fayard, 2009, p.172.

[7] T.R. Malthus, Essai sur le principe de population, Tome 2, Paris, Flammarion, 1992,  p.373.

[8] T.R. Malthus, Essai sur le principe de population…op.cit., p.375.

[9] Zbigniew Brzenziński cité par Claire Séverac, La guerre secrète…op.cit., p.17.

[10] Pascal Lamy, Nicole Gnesotto & Jean-Michel Baer, Où va le monde ? Le marché ou la force ? Paris, Odile Jacob, 2017, p.5.

[11] Claire Séverac, La guerre secrète…op.cit., p.17.

[12] ibid., pp.20-21.

[13] cf. ibid.

[14] ibid., p.128.

[15] Claire Séverac, La guerre secrète…op.cit., p.21.

[16] Lionel Lestruc, L'art de la fausse générosité : la Fondation Bill et Melinda Gates : récit d'investigation, Paris, Bouches-du-Rhône, Actes Sud. Arles, 2019.

[17] Pierre Rabhi, La part du colibri, L’espèce humaine face à son devenir, Éditions de l’Aube, 2009.

[18] Pablo Servigne & Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, Paris, Seuil, 2015, p.139

[19] cf. Jacques Attali, Pour une économie positive, Paris, Fayard, 2013, pp.41-42.

[20] cf. Monique & Michel Pinçon, « La violence des riches », interview en ligne de l’émission "Regards", sur www.youtube.com

[21] Manlio Dinucci, « La stratégie du chaos dirigé : l’art de la guerre », en ligne sur https://ilmanifesto.it/la-strategia-del-caos-guidato/  & www.mondialisation.ca du 16 avril 2019

[22] Claire Séverac, La guerre secrète…op.cit., p.132.

[23] Simon Sebagabo Muvunyi, La Journée mondiale de la population, une journée pour quoi faire ? Kigali, s.éd., 2017, p.162.

[24] cf. Simon Sebagabo Muvunyi, La Journée mondiale de la population...op.cit., pp.213-217.

[25] Thomas Robert Malthus, Essai sur le principe de population, Traduction par Pierre Theil, Éditions Gonthier, 1963, p.13. En ligne sur : http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html

[26] cf. Simon Sebagabo Muvunyi, La Journée mondiale de la population...op.cit., pp.108-115.

L’arbre qui cache la forêt, l’avenir qui fait peur

Partant des estimations actuelles aux projections futures jusqu’en 2100, il s’avère que l’Océanie, l’Europe et l’Amérique feront la queue en termes démographique, tandis que l’Asie et l’Afrique comme c’est le cas aussi actuellement, seront en tête.

 

Projections de population (en milliers) par continent de 2020 à 2100

2020

2025

2050

2075

2100

Afrique

1 340 600 (17,2%)

1 508 935

2 489 275

3 498 757

4 280 127

Amérique latine et Caraïbes

653 962 (8,4%)

681 896

762 432

749 876

679 993

Amérique Septentrionale

368 870 (4,7%)

379 851

425 200

461 329

490 889

Asie

4 641 060 (59,5%)

4 822 629

5 290 263

5 142 629

4 719 416

Europe

747 636 (9,6%)

745 791

710 486

657 283

629 563

Océanie

42 677 (0,6%)

45 335

57 376

67 282

74 916

MONDE

7 794 800

8 184 437

9 735 034

10 577 156

10 874 902

Source : Institut National d’Études Démographiques, World Population Prospects, Révision 2019. En ligne sur https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/projections-mondiales/projections-par-continent/

L’Afrique représente donc actuellement 17,2% de la population mondiale, tandis que l’Asie en constitue à elle-seule 59,5% ; les deux Amériques font ensemble 13,1% ; l’Europe, 9,6% ; et l’Océanie, 0,6%. Et les projections futures font état de cette même réalité, comme l’indique aussi le tableau ci-dessous. Il montre bien que dans la mesure où le taux de natalité en Afrique est le plus élevé, en dépit du taux de mortalité infantile aussi élevé, et l’espérance de vie la plus faible, il y a bel et bien une compensation suffisante qu’une bonne gouvernance politique et économique suffit à gérer positivement, vu aussi que l’Afrique a la population la plus jeune du monde. Raison pour laquelle, à notre avis, ce avec quoi nous sommes d’accord, c’est l’espacement des naissances, et non pas du tout leur limitation pure et simple. Ce serait là tomber dans le piège de ce qu’Aminata Traoré qualifie de « planétarisation de fausses solutions » aux vrais problèmes qui se posent à l’Afrique. Telle est la raison pour laquelle certains Africains émettent des hésitations sur la bonne foi des politiques proposées à leurs gouvernants par les pays développés, car convaincus que cela ne leur est pas suggéré pour leurs beaux yeux. Ils estiment que le mieux serait de laisser l’Afrique se gouverner selon ses propres aspirations et stratégies, au lieu de la subordonner aux intentions et besoins des pays riches.

Estimations 2020

Région

Taux de natalité

Taux de mortalité

Espérance de vie

Taux de mortalité infantile

Nombre d’enfant(s) par femme

Taux de croissance

Population de 65 ans et plus (en milliers)

Afrique

32,6

7,8

63,5

44,2

4,30

24,4

47 096

Amérique latine et caraïbes

15,9

6,4

75,6

14,6

2,00

8,9

58 651

Amérique septentrionale

11,8

8,8

79,3

5,6

1,75

6,1

61 903

Asie

15,8

7,0

73,8

23,2

2,12

8,4

411 603

Europe

10,1

11,2

78,7

3,8

1,61

0,4

142 906

Océanie

16,2

6,8

78,9

16,9

2,33

12,8

5 448

MONDE

18,0

7,6

72,8

27,5

2,44

10,4

727 606

Source : World Population Prospects, Nations Unies, 2019. En ligne sur https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/tous-les-pays-du-monde/

L’Institut National d’Études Démographiques estime, bien plus, que parmi les 50 pays les plus peuplés en 2050, 2075 et 2100, 20 (soit 40%) seront africains ; 18 (soit 36%) seront asiatiques, tandis que l’Amérique et l’Europe n’en constitueront que les 12%[1]. À ce point de vue, il n’est pas exclu que l’Afrique fait peur. Et pour cause : bien que prétendant que la population constitue un danger, les visionnaires savent bien que le problème ne se situe pas au niveau de la population en tant que telle mais plutôt au niveau de la mauvaise gouvernance des ressources. Il est vrai qu’il est nécessaire de rationaliser les naissances ; il n’en demeure pas moins vrai qu’il faut rationaliser aussi la jouissance de ces ressources. Et cela passe par la bonne gouvernance, c’est-à-dire, la volonté politique d’assurer le mieux-être-ensemble ; bref, le bonheur partagé.

En effet, si la population en elle-même constituait un danger, comment expliquer que la Chine, pays le plus peuplé du monde (19% de la population mondiale)[2] est la deuxième puissance économique, et que le Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique (26,6%), constitue la toute première économie africaine ? L’Inde, deuxième pays le plus peuplé du monde (18%), fait partie des pays émergents ! Cela donne vraiment à penser. L’on me rétorquera que ce pays regorge en même temps de plus de pauvres ; et je répondrai que même dans les pays les plus développés du monde, il n’y a pas de pays sans pauvre, autant qu’il n’y a en réalité aucun pays vraiment égalitaire. La preuve en est qu’il y a de pauvres citoyens américains criblés de dettes qui, malgré la présence du Covid-19, se sont trouvé privés d’eau et d’électricité faute de capacité d’honorer leurs factures. Encore aussi que chacun est riche et pauvre à sa manière. Si les États-Unis n’étaient pas pauvres, ils ne compteraient pas sur la Chine pour lutter contre le Covid-19, et ils ne se plaindraient pas de l’OMS jusqu’au point où les jérémiades l’ont été. Si la France n’était pas pauvre, les médecins et policiers ne se plaindraient pas du manque de masques de protection !

Le vécu au jour le jour, et ce que ça donne à penser

Quand deux éléphants se battent, ce sont les herbes qui en pâtissent, dit un dicton. Les luttes hégémoniques entre les puissances mondiales ne peuvent que faire peur aux pays pauvres, surtout que dans le contexte du Covid-19, il s’observe que les puissants sur qui comptent habituellement les pauvres, sont frappés de plein fouet, si bien que l’on se demande : s’il en est ainsi du bois vert, qu’en sera-t-il du sec ?

La Chine, les États-Unis, l’Italie, l’Espagne, la France, l’Afrique du Sud… en dépit de leurs équipements sophistiqués, ne donnent pas, à quelque exception près, l’impression d’être vraiment à la hauteur du risque, malgré les alarmes préalablement lancées par des services spécialisés qui, pourtant avaient mis leurs rapports à la portée des gouvernants et du grand public. Bien que la Chine ait été plus performante en la matière, notamment avec la construction en dix jours d’une structure de prise en charge des victimes, et pour avoir maîtrisé l’épidémie, les tergiversations du début face aux alarmes du docteur Li Wenliang et l’humiliation qu’on lui a fait subir, ses collaborateurs et lui, cela prouve qu’il y avait une certaine ignorance crasse qui, d’ailleurs, a fait empirer la situation. Certainement que si les autorités chinoises avaient prêté oreille à l’alarme sans la politiser, la situation ne serait pas exactement ce qu’elle est actuellement sur l’ensemble du monde. Est-ce peut-être pour cette raison que Donald Trump en veut à la Chine, et avec elle l’OMS !

Néanmoins, les réclamations dans divers pays face à la faible capacité matérielle à faire face au Covid-19, la guerre des traitements entre scientifiques, cela fait état d’un malaise systémique. Pire encore, les jérémiades sans cesse proférées par le Président américain estimant que l’OMS aurait un penchant pour la Chine, c’est une fois encore, de l’infantilisme d’une superpuissance en mal de maîtrise, comme si l’OMS était son Ministère de la santé.

Il va de soi que si le Covid-19 sévit en Afrique à ce même rythme, on s’attendrait, comme l’a dit Melinda Gates, à plein de cadavres sur les rues africaines. Étonnant encore, la lettre que le Congrès américain prit soin d’adresser au Directeur général de l’OMS le 9 avril 2020, lui demandant de fournir des informations sur les communications entre ses services et le gouvernement chinois ! Les USA ont fini par décider, le 14 avril 2020, de suspendre leur contribution à l’OMS, alors que le Directeur de cette institution les priait de ne pas politiser le virus[1]. Comment, en effet, en pleine catastrophe, privilégier non la lutte mais plutôt la bureaucratie ? Pendant que la case est en train de brûler, les États-Unis privilégient les enquêtes, au lieu de s’occuper de sauver des vies en danger sur son sol, champion en victimes du Covid-19. La visée est de chercher à coincer davantage la Chine, pour prouver sa responsabilité par négligence, par inaction ou par volonté de nuire lorsqu’au début, les gouvernants chinois ont, par une certaine campagne de désinformation, nié toute possibilité de transmission d’homme à homme ; ce qui ne fut infirmé qu’après maintes contaminations propagées dans plusieurs pays.[2] Vis-à-vis de ce jeu de ping-pong entre les superpuissances, les pays pauvres – à moins qu’ils ne pensent et agissent autrement sur base de la conception locale de la santé et de la maladie –, ne peuvent avoir que leurs yeux pour pleurer au cas où le Covid-19 les attaquait à la même vitesse que ce qu’il en est dans les pays développés.

Somme toute, le grand perdant, c’est l’Humanité, mais à des degrés divers de sa répartition sur le globe. Mieux encore, le plus grand perdant, ce sera celui qui ne saura pas tirer parti des leçons de la pandémie ; des leçons pour le futur qu’il conviendra d’humaniser davantage au lieu de s’autodétruire à cause des intérêts des uns contre les autres. L’échec sera si les rescapés ne décident d’une certaine démondialisation pour défaire le développement afin de refaire le monde en mettant un peu d’eau dans le vin du capitalisme néo-libéral qui, sans conteste, fait tendre le monde vers son effondrement.

Au vu de l’impréparation notoire, même dans les pays riches comme l’a bien reconnu Emmanuel Macron en ces termes : « le moment a révélé des failles, des insuffisances, nous avons manqué de blouses, de gants, de gel hydroalcoolique… »[3], il est bien clair que les pauvres sont de loin plus en danger, au point que l’on puisse, non sans raison, craindre le pire à cet égard. Melinda Gates aurait déclaré sur CNN le 12 avril 2020 : « La seule raison pour laquelle le nombre de cas de Coronavirus signalés en Afrique est actuellement faible est très probablement dû au fait qu’il n’y a pas eu de tests approfondis sur les personnes. La maladie va mordre fort sur le continent. Je vois des cadavres dans les rues d’Afrique. »[4] Tout en étant réaliste au regard des ravages de la maladie à coronavirus dans le monde développé, cette prophétie de malheur est non un message de compassion mais plutôt un alarmisme visant à cultiver la peur en vue de l’acceptation de la vaccination universelle tant décriée, et dont la visée semble contre l’humanité.

Au jour le jour, l’expérience a fini par prouver que l’une des solutions préventives serait de ne limiter les déplacements qu’au strict essentiel. Raison pour laquelle des États ont interdit les vols internationaux, et par la suite, tout mouvement d’une zone déjà touchée vers une zone supposée encore saine, et enfin, il a été, par endroit, décrété le confinement. Cependant, cette mesure salutaire ne se vit pas de la même manière et partout, vu qu’elle implique la capacité des ménages à disposer d’un stock de moyens de subsistance pendant le temps que dure la limitation des déplacements. Et chez les pauvres vivant au jour le jour, entre la maladie et la faim, le choix est clair : ils optent pour la maladie au lieu de la faim. Dans la mesure où toutes les deux entraînent la mort, ils estiment qu’il vaut mieux tomber malade tout en étant rassasié plutôt que de tomber malade affamé. Pour ainsi dire, entre mourir demain et mourir le lendemain, ils préfèrent la deuxième option.

Par ailleurs, tout en reconnaissant que la limitation des mouvements est nécessaire à la préservation de la vie des citoyens, les gouvernants ne sauraient nourrir l’ensemble de leurs citoyens nécessiteux, ni même annuler les dettes de ceux qui en ont auprès de banques. Face à ce dilemme, il est choisi le moindre mal, celui consistant soit à opter pour un confinement partiel, soit celui consistant à être rigoureux, laissant l’option au pauvre qui succomberait à la faim, de mourir de celle-ci plutôt que du Covid-19, vu que la faim ne serait pas contagieuse, tandis que le Covid-19 l’est. Le choix est donc clair, et rien n’exclue que parmi de prétendus décès des suites du Covid-19 il y ait plutôt aussi des victimes de la faim.

Sous un autre registre, comme pour la mort, chacun semble penser qu’elle ne frappera que le voisin et non soi-même. Raison pour laquelle, en dépit des sensibilisations, certains donnent à penser que la maladie à coronavirus n’est pas une réalité, ou que si elle en est une, c’est juste pour les autres et non pour eux. Il en découle une sorte de confiance aveugle qui, pourtant est dangereuse, vu qu’il suffit que quelqu’un soit contaminé, pour que la chaîne de propagation s’élargisse, suite à la négligence des directives. Cette attitude, c’est celle qui fit de la Chine le disséminateur du mal de 2020. Un autre exemple dans ce cadre, c’est celui de certains politiques qui semblent minimiser les gestes barrières, au point de ne comprendre que s’ils sont eux-mêmes atteints.

C’est dans ce sens, peut-être, qu’il y a lieu de donner raison à Melinda Gates lorsqu’elle exprime sa crainte du pire qui pourrait s’abattre sur l’Afrique, surtout aussi que certains continuent à croire que ce virus n’est pas adapté à l’environnement de l’Afrique. Nonobstant les risques encourus, la proposition du vaccin ne semble pas avoir bonne presse auprès de bon nombre d’Africains, peut-être non sans raison, puisque se demandant pour quelle raison c’est ce continent-mère dont on veut faire le champ d’expérimentation au lieu de se préoccuper davantage des continents et pays les plus frappés. Ceux qui pensent que cette pandémie résulte d’un complot y perçoivent en sourdine un règlement des comptes probable contre la population africaine prise pour une humanité de trop, comme bien des théoriciens ne cessent de le faire croire. Ils estiment ainsi qu’il se complote et se réalise un « génocide médical des populations africaines par les maladies chimériques »[5]. C’est à cela que servirait le matraquage médiatique propagandiste dont les porteurs ont des objectifs précis et des principes à faire valoir, car étant en position d’infléchir et d’encadrer l’orientation des médias[6] et de l’opinion du peuple obligé de consentir à la longue aux visées des maîtres du monde.

Comme le soutient Didier Raoult[7], les vaccins font l’objet d’une querelle idéologique considérable. Certains sont contre en dehors de toute rationalité, tandis que d’autres ne se sont même pas posé la question de savoir si les stratégies vaccinales proposées avaient un sens ou pas. Il en conclue qu’il s’agit d’un dialogue de sourds, vu qu’en réalité, les recommandations vaccinales ne sont pas scientifiques mais plutôt politiques, certainement, en fonction d’intérêts et calculs politico-financiers. C’est probablement ce qui fait qu’un certain nombre de personnes émettent des doutes, étant donné qu’elles éprouvent de la peine à démêler le politique du véritablement scientifique. À en croire Benoît Awazi[8], l’ouvrage de Didier Raoult sur les vrais dangers et les fausses alertes des vaccins, fait apparaître avec finesse analytique les conflits des savoirs et des pouvoirs qui opposent les journalistes de la sociodicée de l’État, les médecins (scientifiques) et les décideurs politiques dans les démocraties néolibérales, en même temps qu’elle met à nu les manœuvres de manipulation mentale des organisations hégémoniques néolibérales et néo-esclavagistes, à travers ce qu’il qualifie de mondialisation génocidaire des biomédecines occidentales.

Les antagonismes attestés au sujet des thérapies révèlent qu’il est une conception voulant s’imposer sur d’autres, alors qu’en réalité, il est des différences dont il convient de tenir en compte. En effet, pour les Africains par exemple, « tout peut donner la maladie, comme tout est médicament, tout l’homme tombe malade comme tout en l’homme est aussi médicament, parce que l’homme tombe malade, la communauté des vivants tombe malade, l’univers tombe malade, que la maladie de l’homme influe sur la santé du groupe social, celle du groupe influe sur l’homme et l’univers. »[9]

Pourtant, on voit avec quelle véhémence l’on s’en prend à toute proposition de traitement par une conception autre que celle « officielle et supposée orthodoxe » (cf. les pierres que subissent les Docteurs Didier Raoult et Jérôme Munyangi par exemple), alors qu’à dire vrai, toutes les propositions, pourvu qu’elles respectent les règles de l’art, sont à essayer, vu qu’il n’y a jusque-là pas de thérapie unanime ou officielle. Certains scientifiques donnent l’impression qu’il existerait une façon unique de penser et de procéder, ou qu’ils auraient le monopole du savoir et de la pratique thérapeutique, alors que la thérapie reste relative. Cela donne à penser que ces derniers sont au service de firmes pharmaceutiques qui trouvent dans cette calamité, une opportunité d’écoulement de leurs produits, raison pour laquelle ils s’opposent à toute tentative d’essai de solution autre que celles attendues des structures officielles enfermées dans la lourdeur de leur bureaucratie, pendant que les gens meurent, et qu’il est donc nécessaire que l’on imagine des solutions urgentes mais efficaces à quelque degré.

Pourtant, comme le colibri de la légende dont parle à juste titre Pierre Rabhi, chacun de ces scientifiques essaye d’apporter sa gouttelette d’eau pour éteindre le feu (covid-19) à la maison en feu (l’humanité en péril) afin de se rassurer que l’incendie cesse à quelque degré, en attendant que tout humain s’acquitte de sa part pour en arriver à bout. Pierre Rabhi rapporte en effet :

« Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient, impuissants, le désastre. Seul le petit colibri s’active, allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d’un moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Tu crois que c’est avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ? » « Je le sais, répond le colibri, mais je fais ma part. »[10]

Ce que subit, à son époque, le colibri, quiconque ose avancer avec sa pierre à l’édifice pour indiquer la manière dont, objectivement parlant, le monde peut faire face à la pandémie, en dehors du cercle des bouches « officielles et orthodoxes » de l’OMS se voit qualifier de tous les noms d’oiseaux, alors que ceux qui prétendent être « orthodoxes » n’indiquent jusque-là pas encore quelle thérapie convient exactement, tout en étant face à une extrême urgence, vu le nombre de personnes qui périssent ! Dans un contexte précis d’une pandémie, conviendrait-il de passer le temps à faire des essais ou plutôt traiter la maladie ? Cela n’étonne cependant pas, car c’est ainsi que le monde a souvent réduit au silence ses quelques fils clairvoyants qui perçoivent ce que les bien-pensants ne perçoivent pas, ou qu’ils ne perçoivent que plus tard. Tel fut le sort de tant d’hommes et femmes éclairés : Jésus, Galilée, Martin Luther King, Gandhi, Lurhuma, Lumumba, Sankara…

Dans tous les cas, l’Afrique a intérêt à observer scrupuleusement les mesures-barrières tout en prenant soin de les adapter à son propre contexte, au lieu du copier-coller politique et thérapeutique, comme s’il y avait une vision universelle de la santé, de la maladie et de la thérapie. Si elle s’en sort victorieuse, Berceau de l’Humanité, l’Afrique en reste l’Avenir, car c’est sur elle que devra compter l’Occident dont la population est non seulement vieille mais aussi qui aura perdu un bon nombre de ses quelques habitants.

 

[1] http://www.msn.com/fr-xl/actualite/coronavirus/donald-trump-accuse-loms-de-«mauvaise-gestion»-de-lépidémie-et-cesse-son-financement/ar-BB12EiZm?ocid=spartanntp

[2] Congrès américain (Chambre des représentants), « Lettre du 9 avril 2020 adressé au Docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur Général de l’OMS »

[3] Emmanuel Macron, « Message du 13 avril 2020 »

[5] Benoît Awazi Mbambi Kungua, « Corona Virus, Dieu et la finitude humaine. Une Approche phénoménologique », p.3. En ligne sur la liste d’envoi des messages du Cerclecad. Article qui sera repris dans son ouvrage : *ID., Le Tournant prophétique des théologies négro-africaines contemporaines. De l’Auto- Performativité de la Deutérose, L’Harmattan, Paris, 2020 (À Paraître).

[6] Edward Herman & Noam Chomsky, La fabrication du consentement, De la propagande médiatique en démocratie,  Marseille, Agone, 2008, p.9.

[7] cf. Didier Raoult, Épidémies…op.cit., p.65.

[8] Benoît Awazi Mbambi Kungua, « Corona Virus, Dieu et la finitude humaine. Une Approche phénoménologique », p.3. En ligne sur la liste d’envoi des messages du Cerclecad.

[9] Mbonji Edjenguèlè cité par Jean Paulin Mengue Me Ndongo, « Essai d’analyse de la conception africaine de la médecine, médecine traditionnelle, médecine prophétique, islamique ou arabo-musulmane, tradipratique, santé, maladie, remède et personnel soignant », in Benoît Awazi Mbambi Kungua, La Chine et l’Inde en Afrique. Une approche postcoloniale et pluridisciplinaire. Suivi de plusieurs articles en théologie, philosophie et sciences sociales et politiques, (Revue savante et pluridisciplinaire sur l’Afrique et les communautés noires), publiée par Le Cerclecad-Harmattan, Ottawa-Paris, 2017, pp.259-260.

[10] Pierre Rabhi, La part du colibri, L’espèce humaine face à     son devenir, édition de l’Aube, 2009.

Et après ?

« Quand bien même il nous serait épargné d'être détruits par la guerre, notre vie doit changer si elle ne veut pas périr par sa propre faute »[1], dit Alexandre Soljénitsyne. Et d’ajouter : « la crise que nous connaissons non seulement n'est pas d'abord et avant tout économique, essentiellement économique (…) mais plutôt anthropologique et ontologique. Elle résulte d'une maladie profonde de l'Homme et de l'Être. »[2] Cet Être en mal d’extinction suite à l’orgueil nous poussant à ce que, dans une méditation poétique, Jean-Paul Tagheu qualifie à juste titre de « menace collective du tombeau ». Il montre que plutôt que de construire les hôpitaux, nous avons acheté les armes les plus sophistiquées, fait des dépenses de luxe, ouvrant des comptes avec nos argents détournés, alors que maintenant assiégés par un micro-être covid-19, nous ne savons pas tirer dans ses jambes.[3] Telle est l’ironie de notre sort, alors que nous nous sommes crus hyper et superpuissants. La maladie à coronavirus nous aura rappelé notre finitude que nous semblions oublier au fil du temps qui nous donnait l’impression d’éternité du temporel.

Il est probable qu’après la pandémie, l’Occident aura une forte demande en main d’œuvre, en dépit de l’intelligence artificielle dont il est doté, au cas où il s’avérait que l’automatisation coûterait plus chère que la main d’œuvre humaine. Et dans ce cas, les jeunes des continents les plus peuplés (Asie et Afrique) seraient tellement sollicités, entraînant ainsi une forte ouverture à la migration, peut-être beaucoup plus asiatique qu’africaine cependant. Il y aurait, par ailleurs, comme corollaire qu’en dépit de la négrophobie, le vieux continent devienne, à la longue, de plus en plus peuplé de noirs et de métis, vu que, par ailleurs, ce continent chérit la limitation des naissances, et que pour leur part, les noirs se multiplieraient davantage.

Du côté africain, la modernité place de plus en plus des barrières sociales entre les gens (distanciation sociale symbolique et réelle). Pour preuve, le fait qu’avec la colonisation, il a été appris aux évolués puis aux citoyens ordinaires, à manger en solo, bien qu’ensemble, chacun avec son plat. Ce fut un pas vers la désolidarisation et l’égoïsation progressive des relations. Par la suite, sous la facilitation des maladies contagieuses, il a aussi – évidemment avec raison –, été obligatoire de ne pas s’abreuver au même verre de bière qui, pourtant, était signe d’unité et de réconciliation. Avec les maladies émergentes telles : Ebola, Zika, Choléra… la société a été dans l’obligation, pour se protéger et protéger les autres, de ne plus se serrer les mains, alors que certains peuples sont même habitués aux embrassades les plus profondes ! Avec le Covid-19 maintenant, il convient non seulement de ne plus se serrer la main, mais aussi, se rassurer qu’on se tient à une distance d’au moins un mètre de tout autre personne. Il se crée donc ainsi une distance physique étendue en distanciation sociale symbolique tendant à abolir – non sans raison –  la proximité et même la collaboration. Il est donc fort à parier qu’après cette pandémie, les survivants risquent d’être moins solidaires qu’ils ne l’étaient avant. Pourtant, « plus l’homme verse dans l’individualisme, moins il est enclin à prendre en compte l’intérêt des autres, présent et futur ».[4]

À la lumière de ce qui survint chaque fois après des épidémies et pandémies, il est fort à parier que l’après-Covid-19 sera marqué par des changements, mieux, des bouleversements et distanciations aussi bien sociaux, économiques, politiques, culturels que spirituels. En effet, les citoyens auront, d’une façon ou d’une autre, à ceux pour qui cela n’était pas encore le cas, été quelque peu familiers à la distanciation professionnelle (télétravail), relationnelle avec les télérelations entre amis et familiers, et même socio-spirituelle à travers la téléprière, car priant davantage par l’intermédiaire de médias… Il est donc fort probable aussi que ce soit un début de démondialisation progressive, donnant ainsi plus de prééminence au local qu’à l’importé, à divers points de vue (déplacements limités au strict essentiel, consommation alimentaire beaucoup plus local qu’étranger, impression d’égalité face à la finitude, vu que tout le monde aura eu peur de la pandémie de la même manière, et qu’elle aura éliminé aussi bien des riches que des pauvres, en commençant surtout par les riches, contrairement à la plupart des épidémies)… Il reste aussi possible que la mondialisation pourrait atteindre son point culminant, avec l’identité numérique devant permettre un contrôle plus facile des citoyens, afin d’assurer la sécurité mondiale.

Au point de vue psycho-social

Il pourrait résulter de l’après-Covid-19, une distanciation de plus en plus grande entre les citoyens, l’autre étant chaque fois perçu comme disposant d’un potentiel de nuisance (contamination) possible à divers points de vue. En effet, le slogan « reste chez toi » aura été perçu non seulement comme une nécessité de ne pas contaminer l’autre, mais plutôt comme une stratégie visant à ne pas se faire contaminer, vu que chacun se présume sain, tout en prenant plutôt l’autre comme le probable contaminateur.

En matière d’éducation, en cas de prise de conscience des gouvernants de certains États qui donnent peu d’importance à la recherche, il est probable que les chercheurs soient encouragés à investiguer davantage pour trouver des solutions préventives aux dangers présents et futurs, afin de ne pas se laisser ridiculiser par l’évidence d’une impréparation notoire face aux risques et catastrophes courus par les peuples sous leur pouvoir. Pour ce faire, la stratégie devra consister à s’inspirer des États ayant fait preuve de quelque prévoyance scientifique, financière et technique face à l’inattendu. En ce sens, les facultés de sciences et de géostratégie pourraient être encouragées, afin de se ranger en ordre utile face aux pays développés et ceux émergents.

En effet, disait N. Deschamps :

« Nous connaissons approximativement les causes de certaines maladies physiques. Quant aux maladies morales, elles proviennent d'une mauvaise éducation, des folies de toute sorte qui sont fourrées dans nos têtes, en un mot de l'absurdité de notre loi sociale. Réformez la société et vous n'aurez plus de maladies. La société une fois réformée, il reviendra au même qu’un homme soit stupide ou intelligent, bon ou méchant ; tous auront la même position. »[5]

En même temps, au niveau sanitaire et hygiénique, les mesures-barrière, notamment la principale qui consiste à se laver les mains le plus fréquemment possible, auront contribué à cultiver des habitudes hygiéniques à ceux qui s’en seront imprégné, faisant ainsi des citoyens, devenir de plus en plus propres, étant donné que seuls les musulmans cultivaient cette culture au niveau de leurs lieux de culte. Cette bonne habitude pourrait ainsi être à la base de la diminution, à quelque degré, des cas de maladies de mains sales dans les régions où elles étaient fréquentes.

Aussi, comme à quelque chose malheur est bon, le philosophe Nicolas Grimaldi a bel et bien raison d’affirmer que

« l’occasion créée par cette pandémie nous fait vivre un peu anachroniquement, de la même façon que vivaient naguère nos arrières grands-parents (…) qui, dans leur vallée, dans l’isolement de leur village, avaient la solitude pour destin. La soirée se passait autour du feu… personne ne nous empêche de faire du feu… on se parlait à deux ou trois et maintenant, nous voici, en quelque sorte, résumés à notre famille la plus étroite, une manière également de resserrer notre intimité, et par conséquent, d’être plus attentifs à l’attente d’autrui, notre femme, notre enfant, nos proches. »[6]

Cette expérience nous aura fait redécouvrir ce vivre-ensemble qui manquait tant aux familles. Ça aura été un halte existentiel dont aura profité l’humanité pour repenser et revivre ses modes d’être-avec jadis brouillés par l’activisme ayant fait du temps de l’argent, au point de n’en point avoir pour l’autre, à moins qu’il ne nous fasse de l’argent pour compenser notre quête.

L’autre avantage social est que la mort aura une fois encore rappelé à tous les humains qu’ils sont égaux. En effet, les uns et les autres auront constaté que tous mouraient de la même façon, et qu’en cela ils sont semblables, contrairement à la mode ambiante qui consistait, pour les uns, à se prendre pour des surhommes libres d’aller se faire soigner dans des structures autres que celles du commun des mortels, à l’étranger, mais qui auront été bloqués par l’impossibilité de déplacements à l’étranger. Il aura également été constaté qu’aucun État n’est en réalité auto-satisfaisant, et que ceux qui se prenaient pour providentiels peuvent se lamenter tout aussi bien que ceux pris pour déchets de la création. Chacun aura découvert à quel point il dépend des autres, faibles ou petits soient-ils, car un mauvais geste posé par l’un n’importe qui peut entraîner l’insécurité chez tout le monde.

Toutefois, les séquelles de l’après-crise exigeront que la société soit à même de prendre en charge un bon nombre de membres qui auront été victimes de traumatismes nécessitant des structures et stratégies de résilience individuelle et communautaire convenable et durable. Sans cela, ces rescapés succomberont au poids que leur aura légué le passé qui leur aura dépouillés de leur soutien social, économique, culturel et psychologique. Certains d’entre eux opteraient carrément pour le suicide, car préférant la mort au poids de ce qu’ils devront avoir à affronter comme obstacles économico-financiers et vitaux.

 

[1] Alexandre Soljénitsyne, « Le discours d'Harvard », Harvard, 8 juin 1978. En ligne sur http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2008/08/04/le-discours-d-harvard-d-alexandre-soljenitsyne.html

[2] ibid.

[3] Jean-Paul Tagheu, « Covid-19 : la menace collective du tombeau » Poème en ligne sur la liste d’envoi du Cerclecad.

[4] Jacques Attali, Pour une économie positive…op.cit., p.51.

[5] N. DESCHAMPS, Les sociétés secrètes et la société, ou Philosophie de l’histoire contemporaine, 6ème éd., Tome second, Avignon-Paris-Lyon, éd. Séguin Frères-Oudin Frères-Librairie Générale Catholique et classique, Bibliothèque Saint Libère, 2008, p.583.

[6] Entretien organisé le 13 mars 2020 entre Florence Sturm et Nicolas Grimaldi, « Covid-19 : "Nous ne sommes pas accoutumés au recueillement", selon le philosophe Nicolas Grimaldi ». En ligne sur https://www.franceculture.fr/societe/covid-19-nous-ne-sommes-pas-accoutumes-au-recueillement-selon-le-philosophe-nicolas-grimaldi

Au point de vue démographique

La survenue du Covid-19 aura fait état de l’inopportunité des politiques anti-natalistes jusque-là prônées à outrance par des ONGs et des organes des Nations Unies, vu que la population aura été perçue non comme un danger mais plutôt comme une force, pour éviter de faire disparaître l’espèce, et pour avoir une force de production, tout en sachant qu’une autre catastrophe se chargera de dépeupler le monde plus tard. On aura été convaincu que la nature se charge de la sélection naturelle conduisant à une certaine stabilisation et un certain équilibre démographique, comme l’histoire le démontre bien. Et contre toute attente, le mariage hétérosexuel pourrait recouvrer plus de sens, et ainsi être encouragé, vu que les unions homosexuelles seraient perçues comme plus exigeantes par rapport à la possibilité et le coût de la procréation nécessaire.

Au point de vue économique

La démographie pourra influer sur l’économique, vu que certaines régions dépeuplées aussi bien au Nord qu’au Sud, auront de plus en plus, comme ce fut le cas avec la Peste Noire au Moyen-Âge, de main d’œuvre qui, à cette occasion, se sera cependant raréfiée. Ce qui fait qu’elle pourrait coûter quelque peu chère, et sera de plus en plus importée, au cas où les pays développés estimaient que la main d’œuvre humaine coûte moins chère que s’ils se contentaient des bienfaits de l’intelligence artificielle et la mécanisation. À ce titre, les migrations seraient, contrairement à la situation d’avant Covid-19, encouragées et sollicitées, la conséquence étant qu’à la longue, certaines régions du monde, notamment celles où les naissances sont perçues comme un frein au développement, se verraient être de plus en plus peuplées de non-originaires, créant ainsi une frustration dans le chef des rescapés du Covid-19 et leurs descendants estimant être envahis. Cela nous semble plus probable en Occident qu’en Afrique.

Néanmoins, bien des pays, à la suite de la crise financière de 2008 dont ils ne s’étaient pas encore remis, se verront obligés de chuter davantage car ajoutant des dettes à celles qu’ils avaient encore difficile à apurer ! Ce qui, au niveau politique, pourra entraîner des révoltes et révolutions populaires contre les gouvernants. Les peuples éprouvant un sentiment d’agacement et de déception, chercheront à se débarrasser d’eux, ou seront facilement influençables pour réclamer leur démission et remplacement par des leaders en lesquels ils verront incarnées leurs aspirations du moment.

Au point de vue politique

Si les peuples estiment que leurs gouvernants auront été à la hauteur de la lutte contre la maladie à coronavirus, ils éprouveront un sentiment de satisfaction, et seront enclins à collaborer davantage avec eux pour le rétablissement de leur économie et leur stabilité à divers points de vue, et ainsi sauvegarder leur patrimoine face aux autres nations. Des États de ce genre en sortiront donc ragaillardis.

Si, au contraire, les peuples éprouvent que leurs gouvernants auront géré la situation avec légèreté, ils s’en sortiront de plus en plus frustrés, et avec des ressentiments contre les dirigeants dont ils ne pourront que souhaiter et provoquer la chute à court ou moyen termes, pour changer de système afin de redorer l’image de leurs nations vis-à-vis d’autres nations du monde. Et même si n’arrivant pas encore à renverser les régimes, les peuples seront en train de vivre avec eux à couteaux tirés, à travers des remous et soulèvements fréquents.

En plus de cela, les pays développés, abattus par les séquelles que la pandémie leur aura légués, chercheront davantage à refaire leur économie et leur pouvoir au dos des pays pauvres soit en renforçant quelque peu le pouvoir de leurs marionnettes, mieux, leurs sous-traitant politiques des pays sous tutelle, soit en œuvrant carrément à l’évincement de ceux des gouvernants plus ou moins consciencieux qui pourraient leur barrer la route de la vassalisation continuelle. Il est donc des dirigeants qui, à défaut de se soumettre à la servitude et l’exploitation, se verront faire sortir par la petite porte, pour céder place aux oiseaux rares incapables d’inservitude.

Une autre possibilité est que des politiques rendus quelque peu consciencieux par ce fléau, réalisent qu’ils ont intérêt à œuvrer pour la mise en place d’infrastructures sociales (écoles, hôpitaux, industries, routes…) de qualité, vu qu’il peut encore arriver qu’ils n’aient pas la possibilité d’aller en chercher à l’étranger en cas de besoin, s’il arrivait que les frontières aussi bien terrestres qu’aériennes soient fermées, et que tout déplacement soit interdit comme ce fut le cas avec le Covid-19.  Aussi, nous nous serons rendu compte qu’il n’y a pas lieu de planétariser des solutions qui, pourtant, ont fait preuve d’inefficacité, comme dirait Aminata Traoré. Même si elles auraient réussi, nous aurons compris qu’il est nécessaire de les adapter en fonction des lieux et des cultures. Cela nous aura fait prendre conscience de la nécessité de contextualiser des solutions, salutaires soient-elles.

Néanmoins, il n’est pas impossible que des puissances mondiales, par soupçons les unes sur les autres, passent de la lutte contre le covid-19 à une lutte armée contre une puissance qu’elles auront estimé avoir été à la base de leur banqueroute. Ce qui, dans ce cas conduirait à une troisième guerre mondiale risquant d’être nucléaire.

Au point de vue culturel

Contre une mondialisation à l’aveuglette à laquelle se livrent des citoyens des pays en développement, ceux-ci auront découvert, grâce à ce fléau, la nécessité et la possibilité de produire et consommer local, pour éviter de se faire surprendre encore par une fermeture de frontières dans le futur. Et pour éviter de toujours subir les fruits des trouvailles des chercheurs d’autres régions, chaque pays, du moins parmi les plus consciencieux, trouvera mieux d’appuyer les recherches de ses citoyens, afin de disposer de solutions locales aux problèmes, au lieu d’imposer des solutions importées et ne correspondant du tout pas au contexte local. L’autre possibilité est que des chercheurs essayent des solutions concertées et collaboratives, afin de se rassurer qu’ils trouvent des solutions au mal, pour éviter que les résidus du problème dans un pays ne favorisent la repropagation du Covid-19.

Au point de vue spirituel

Les croyants passeront d’une spiritualité vulgo-topo-architecturale à une spiritualité beaucoup plus en profondeur, ouverte à la personne et à l’entité nucléaire, et au sens profond du symbolique qui, de plus en plus, se diluait dans le folklorique collectif auto-satisfaisant. Ils auront, en ce sens, comme Saint Augustin, compris : « …vous étiez au dedans de moi et moi au-dehors, et c’est là que je vous cherchais ; je poursuivais de ma laideur la beauté de vos créatures. Vous étiez avec moi et je n’étais pas avec vous, retenu loin de vous par tout ce qui sans vous ne serait que néant. Vous m’avez appelé, vous avez crié, vous avez rompu ma surdité. »[1] Ils pourront, grâce à cette expérience, adorer en esprit et en vérité, au lieu de se perdre dans la foule au sein des temples où ils pensent que Dieu est bloqué. L’appel de la Divine Providence sera passé par le Covid-19, afin de réveiller de la torpeur spirituelle ayant conduit les croyants à une foi populaire invitée à l’approfondissement personnel.

Face à l’expérience de la finitude universelle qu’aura révélée le Covid-19, deux réactions sont possibles chez des croyants : soit en sortir avec une foi beaucoup plus solidifiée, soit tomber dans le déni de la bonté de l’Être Suprême en lequel on croyait avant la pandémie, mais que l’on pense avoir abandonné l’humanité.

Quant aux non-croyants, se moquant de ceux qui disent croire en un Bon Dieu qui, pourtant aura permis que pareille crise s’abatte sur le monde, il est possible que leurs arguments se renforcent suite à une expérience qui leur est contemporain, renforçant ainsi leur argumentation. Il n’est cependant pas exclu que certains rescapés non croyants changent d’avis, suite à ce qu’ils auront estimé être un salut hors de la portée de leur intelligence, quand ils auront constaté qu’une multitude de ceux avec qui ils partageaient les mêmes conditions de vie ou de travail aura été décimée par le Covid-19. Ou alors, il n’est pas exclu que croyant ou pas, le constat du sacrifice qu’auront consenti les soignants au prix de leur vie, puisse inviter à plus d’empathie et de solidarité, afin de rendre ce dont on aura bénéficié des autres.

Et si conspiration mondialiste il y a derrière le Covid-19, les ennemis des confessions religieuses auront trouvé une solution universellement acceptable pour décourager progressivement les rassemblements de prière, cela pouvant conduire à la longue, à vider les temples là où ils étaient encore pleins et à imposer l’identité numérique prise pour le symbole et la survenue de la Bête de l’apocalypse.

 

[1] Augustin (St), Confessions, Livre X, Chap.27.

En conclusion

Partant des faits vécus, cette réflexion se demandait le sens qu’aurait la maladie à coronavirus 2019, et le portrait de l’avenir probable que cette expérience nous fait dessiner. Sur base d’une approche phénoménologique, à la lumière de la loi des trois états, il a été constaté que des épidémies ont été vécues par le passé, mais que l’évolution des moyens de communication modernes en constitue un terrain favorable. Nous avons réalisé que les crises constituent des signes annonciateurs de mutations sociales, et que donc un tournant historique s’annonçait au monde de notre temps. Ce fait se révèle par la boucémissérisation et les conséquences des politiques inégalitaires prétendant que la population en soi constitue un danger, trouvant ainsi un alibi pour culpabiliser le bas peuple victime du consumérisme des puissants. Tout de même, en dépit de complots possibles, la compréhension objective nécessite que l’on évite de ne tout expliquer que sous l’angle du complot, ou de nier purement et simplement l’existence de quelque complot. Mais notre position est que complot il y a contre les pays pauvres que les puissants cherchent à assujettir davantage grâce au matraquage médiatique et aux crises devant faire acquérir leur consentement à la volonté de leurs maîtres. En ce sens, une origine délibérée serait beaucoup plus probable qu’une origine accidentelle du coronavirus. La fuite d’un laboratoire semble donc moins probable qu’une arme biologique délibérément initiée pour des fins hégémoniques.

De tout ce qui précède résulte donc que « le moment de la victoire est celui du plus grand péril. »[1] Tel est le message à retenir de l’expérience que le covid-19 fait vivre aux habitants de la Terre. Cette pandémie invite à l’humilité et à méditer davantage sur l’avenir de l’être-ensemble sur terre. Elle révèle aussi la nécessité d’initier la manière dont il conviendra mieux de faire face au projet mondialiste cherchant à stratégiquement « serviliser » davantage l’humanité à force de terreur, dans le but de s’assurer que les riches s’enrichissent davantage, et que les pauvres ne cessent de leur assurer les ressources dont ils ont besoin, alors que ces derniers consomment de moins en moins pour ne pas nuire à la boulimie de l’avoir et du pouvoir des forts.

Malgré les prétentions hégémoniques d’une part et la victimisation de l’autre, cette pandémie est une occasion favorable devant faire prendre conscience pour se mettre en ordre de bataille pour gagner le futur non les uns contre les autres mais plutôt tous ensemble. Cependant, dans la mesure où nous sommes dans un monde inégalitaire à outrance, il conviendra que les pays pauvres décident d’investir de plus en plus dans la recherche et la mise en place de politiques les autonomisant davantage, pour profiter de ce halte pour un saut qualitatif et quantitatif vers l’essor économique, politique et stratégique pour se faire respecter et traiter en partenaire.

 

[1] Robert Greene, Power : Les 48 Lois du Pouvoir, A Contre-courant Edition, 2014, Loi n° 47, p.xiv.

Bibliographie

Ouvrages

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Articles

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  • Mengue Me Ndongo Jean Paulin, « Essai d’analyse de la conception africaine de la médecine, médecine traditionnelle, médecine prophétique, islamique ou arabo-musulmane, tradipratique, santé, maladie, remède et personnel soignant », in Awazi Mbambi Kungua B., La Chine et l’Inde en Afrique. Une approche postcoloniale et pluridisciplinaire. Suivi de plusieurs articles en théologie, philosophie et sciences sociales et politiques, (Revue savante et pluridisciplinaire sur l’Afrique et les communautés noires), Ottawa-Paris, Cerclecad-Harmattan, 2017.

Webographie

Goma, le 11 mai 2020

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