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Par Ulimwengu Biregeya Bernardin

 

« N’ayez chez vous rien que vous ne sachiez utile ou ne croyiez beau. » (William Morris)

L’élaboration de sa propre vie comme une œuvre d’art personnelle, même si elle obéissait à des canons collectifs, était au centre de l’expérience morale dans l’Antiquité » (Michel Foucault)

 

Il est des personnes dont la rencontre constitue une leçon de vie qui, d’ailleurs, survit même à leur mort. C’est d’un tel personnage dont il s’agit ici, à savoir, l’Abbé Michel Sebakara Sengabo, prêtre du diocèse de Goma. Pour l’avoir connu pendant deux ans au cours de ma formation théologique au Grand Séminaire Saint Pie X à Murhesa/Bukavu (années académiques 2001-2002 puis 2002-2003), je me suis proposé de traduire par écrit, bien que maladroitement peut-être et par endroit, ce que j’ai retenu de sa personne. Dans un monde en perte de vitesse par rapport à la foi chrétienne, l’expérience qu’offrent la vie et l’être de Michel Sebakara est un outil pédagogique inspirateur dont les générations montantes ont besoin pour booster leur volonté de servir davantage en toute humilité. Le gros de ce témoignage porte sur le sens du beau qu’exhalait son être-homme, son être-prêtre, son être-enseignant. Les trois réunis, font ressortir une synthèse de l’esthétique du beau dans l’être, le faire et le vivre à ce prêtre de Dieu qui, à mon sens, est mort en odeur de sainteté.

Sebakara et le beau

Je ne sais pas exactement quel âge il avait quand je l’ai rencontré en 2001, mais il est évident qu’il était le formateur résident le plus âgé de tous, et c’était pour nous un grand-père, comme ce fut le cas jadis au philosophat Mgr Busimba, à Buhimba, avec l’Abbé Octave Maghaniryo d’heureuse mémoire. À ce que je sache, même parmi les formateurs externes, seul le Père Gutierrez lui surpassait visiblement en âge. Bien que grand-père donc, son style vestimentaire n’était pas pour autant vieux. C’était un homme à la page de l’accoutrement, et qui ne tolérait jamais le relativisme vestimentaire, de la tête au pied. Certains collègues blaguaient de temps en temps en faisant référence à la manière dont il se procurait d’articles au sein de magasins à Bukavu. Ils répétaient, disant imiter leur formateur : « ile ni ngapi ? na ile ? shusha ! » (combien coûte cet article ? et le suivant ? fais-le moi). Et là ils insistaient sur le fait qu’il prenait alors ce qui coûtait le plus cher, pour se rassurer qu’il sera ce que les modernes qualifient de « smart » (je dirais mieux, à la page et beau). Aussi, disaient-ils que lorsque le grand séminaire Saint Pie X qualifié habituellement de « Sion » fut un jour attaqué par des brigands, que ces derniers pillèrent la maison et tuèrent l’un des séminaristes. Au cours de cette triste occasion, la montre de l’Abbé Sebakara fut emportée. Tellement elle coûtait cher et il l’aimait, qu’il en fut profondément peiné, si bien qu’il eut fallu qu’un Père blanc de la paroisse de Murhesa lui en payât une autre (dorée) pour qu’il se ressaisisse. Notons qu’une chaîne musicale et un ordinateur fixe ornaient son petit salon du séminaire, et que la beauté y transparaissait, au vu de l’ordre et l’esthétique qui y régnaient.

Comme il aimait à le répéter sans cesse aux séminaristes : « la joie se partage », j’en connais encore aujourd’hui qui, dans leur ministère pastoral, en font encore un leitmotiv pour rendre la vie vivable en dépit des hauts et des bas la caractérisant souvent au sein des paroisses, en particulier celles de l’intérieur où les conditions de vie laissent parfois à désirer. Par cette référence, ils font non seulement revivre leur aîné dans le sacerdoce devenu leur ancêtre et leur modèle de convivance.

Un autre me faisait rappeler encore, il n’y a pas longtemps, qu’il lui disait, lorsqu’il était formateur au Théologat Saint Octave à Butembo, l’adage suivant : « ibibi birarutanwa » (littéralement : les maux se diffèrent), comme pour dire : de deux maux, il convient de choisir le moindre. Cet adage, il la traduisait à travers son mode de vie relationnelle. Sebakara n’était pas du genre de personnes conflictuelles et conflictogènes. Et au cas où un conflit était inévitable, son attitude était l’aplanissement ; il faisait tout comme si de rien n’était. Des deux maux, il choisissait le moindre consistant à faire la paix à tout prix, au lieu d’opter pour la confrontation.

Il a certainement été façonné et marqué par sa formation en théologie spirituelle dont il a bénéficié à l’Université pontificale Grégorienne (1981-1983). Il aura été marqué aussi par son séjour en Terre Sainte pour une retraite de plus d’un mois en 1989. C’est ce fonds spirituel dont il nourrira les séminaristes de 1991 à 1998 au Théologat Saint Octave à Butembo, puis de 1998 à 2004 au Théologat Saint Pie X à Murhesa[1], comme il l’écrira lui-même. Il vivait ce qu’il disait, et il disait ce qu’il vivait, car, aimait-il à nous le répéter, comme le soutient Paul VI : « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, et s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont témoins »[2]. Il ne cessait de nous répéter ce propos pour nous exhorter à la foi traduite en œuvres et aux œuvres s’inspirant de la foi ; jamais l’une sans l’autre. Il savait bien que sans cela, nous aurions difficile à inviter les fidèles à la conversion. C’est aussi en ce sens qu’il soutenait que l’objet de la théologie spirituelle est la vie chrétienne en tant que projet personnel. On dirait à juste titre, une sorte de tête-à-tête avec Dieu de façon singulière, pour un cheminement à deux. Il fit ainsi de sa vie une véritable participation à la vie divine[3], en partant de sa vie telle qu’il l’a vécue. Son expérience, mieux, sa vie se traduit exactement par l’esthétique de la vie (l’être beau, le dire vrai, l’être vrai) à différents points de vue. Sa vie fut la traduction de ce principe de vie.

Sa vie, il l’organisait au sens de ce que William Morris affirme : « Peut-être ne mettrai-je pas votre patience trop à l’épreuve, si je vous exposais mes idées sur l’ameublement nécessaire au salon d’une personne bien portante. J’entends une chambre dans laquelle elle n’aurait pas à faire beaucoup de cuisine, ni généralement à dormir, et dans laquelle elle ne devrait pas se livrer à un travail manuel produisant de la poussière. D’abord une étagère à livres, contenant une grande quantité de livres ; après, une table, bien assujettie lorsque vous y écrivez ou travaillez ; quelques chaises, que vous pouvez déplacer, et un banc pour s’asseoir ou se coucher ; une armoire munie de tiroirs. Vous aurez ensuite sur les murs, à moins que l’étagère ou l’armoire ne soient ornées de peintures et de sculptures, des tableaux ou des gravures, tels que vous pouvez vous en procurer ; seulement pas de bouche-trous, mais de véritables œuvres d’art. Sinon le mur devra être décoré de quelque belle et intéressante copie. Il faudra également un vase ou deux pour y placer des fleurs, qui parfois sont nécessaires, surtout si vous habitez la ville. Il y aura enfin le foyer qui, dans notre climat, est nécessairement le principal objet de la chambre. »[4] Au cours de quelques rendez-vous scientifiques à l’occasion desquelles je pus fréquenter le salon de l’Abbé Sebakara, l’harmonie qui y était me fait penser que même sa chambre était aussi bien arrangée à la manière de ce que stipule la citation précédente.

M’adressant, il n’y a pas longtemps, à l’un de mes aînés scientifique (Martin Murhimalika) qui avait connu l’Abbé Sebakara longtemps avant moi, ce dernier me dit globalement retenir de cet homme de Dieu les aspects suivants : une spiritualité approfondie et vécue (profondeur spirituelle) qui le caractérisait ; la ponctualité au cours des exercices spirituelles et académiques (prières individuelles et communautaires, conférences spirituelles, cours), la propreté (il semble qu’il se lavait même et changeait d’accoutrement non seulement le matin mais aussi au sortir de la salle de cours à midi). Cela montre à quel point il tenait au soin de son corps, ce temple de son Seigneur. Mon interlocuteur ajouta par ailleurs que Sebakara militait pour la sainteté des prêtres et des séminaristes, car il était convaincu que Dieu étant saint, il a créé l’homme à son image de sainteté et nous veut saints. Pour cela, quiconque se prépare à servir le Seigneur doit faire de tout son mieux pour ressembler à celui à la suite de qui il se met. Pour cela, Martin se souvient par ailleurs que Sebakara aimait à leur répéter souvent à l’occasion de ses prédications : « Ee Bwana, ukikumbuka zambi, nani atasimama ? » (Si tu retiens les fautes Seigneur, Seigneur qui subsistera ?). Il était donc conscient de la nécessité de la miséricorde de Dieu pour mériter le ciel. Il savait que personne n’est digne d’entrer dans le royaume céleste, et que donc seule la miséricorde divine peut nous faire mériter d’y accéder.

Pour montrer à quel point il tenait à la sauvegarde de la grâce sanctifiante, il disait souvent que quiconque sent que la sainteté constitue pour lui un poids insupportable, il lui vaudrait mieux faire ses valises et s’en aller embrasser une vie autre que la vie consacrée au Seigneur. Il le disait en ces termes : « bale ba kahebe bote baende » (comme pour dire : que tous les brigands s’en aillent du séminaire, de peur de faire des prêtres fonctionnaires). Ce point de vue, il le tenait du fait que la vie consacrée a des exigences sans lesquelles elle se viderait de toute consistance et de toute substance. Ainsi, ne saurait s’y conformer que celui qui en a conscience et qui décide de mettre ses pas dans ceux de son Maître, sachant que de la même manière que c’est pour nous que le Christ a souffert en nous montrant le chemin par lequel accéder au Père, le disciple du Christ se doit de consentir à vaincre les obstacles en se faisant obéissant jusqu’à l’humiliation, comme le Christ le fit avec la Croix sans qu’il ne l’ait mérité. En effet, comme nous avions l’habitude de le chanter au soir de chaque dimanche : C’est pour nous que le Christ a souffert. Il nous a montré le chemin, pour que nous allions sur ses traces. Par ses blessures nous sommes guéris. C’était nos péchés qu’il portait, dans son corps sur le bois : par ses blessures nous sommes guéris. (1P 2, 21 ;24)

Sebakara, à l’école des grands priants

De nos jours, il n’est pas étonnant de trouver des chrétiens, et, contre toute attente, même des consacrés affairés, au point de prier difficilement et rarement. La discipline et l’assiduité à la prière nécessitent un certain sacrifice, et le monde de notre temps en a tant besoin, tellement nous pensons que c’est l’avoir et le lucre dont nous avons exclusivement besoin pour développer notre société. À l’ora et labora traditionnel, nous n’avons maintenu que le labora, au point de nous vider de toute consistance et de toute profondeur gnoséologique, praxéologique, relationnelle et même spirituelle. Sebakara n’était pas de ce genre. Il savait combiner l’utile et l’agréable spirituel, au point de ne laisser souffrir aucun de ces deux aspects. Homme de foi et homme de prière, cette dernière n’était pas le cadet de ses soucis, mais plutôt le moteur de son action. Il se sentait investi d’une mission : celle de prier pour que la mission évangélisatrice soit fructueuse et ait un soubassement spirituel.

Je me souviens qu’affaibli par la maladie en 2003, une prescription médicale exigea à l’Abbé Sebakara de se reposer, et de ne même plus suivre momentanément le rythme de travail et de prière du reste de la communauté du grand séminaire. Nous constatâmes cependant qu’il en était incapable. Il ne put s’empêcher de participer aux exercices de piété (laudes, messe, sexte, vêpres, et même les complies). Les autorités du séminaire décidèrent alors de l’amener au Monastère Notre Dame de la Clarté Dieu à Murhesa, pour quelque temps de repos médical. Il en revint revigoré et poursuivit son rythme de travail habituel, mais l’on voyait bien que ses forces avaient baissé, bien qu’il ne l’admettait pas, par amour pour sa mission. Par la suite, il lui arrivait de risquer de tomber à la chapelle, suite à la faiblesse de sa santé. Mais il résistait toujours et prenait soin de ne pas être abattu. Il ne voulait point manquer à son devoir de priant. Il savait que sans la prière, l’œuvre éducatrice serait vaine. C’était pour lui un devoir sacré, à la manière d’un moine cistercien.

Notre collègue qui se chargeait de l’ouverture et la fermeture de la chapelle s’étonnait parfois de constater qu’il venait de l’enfermer à la chapelle, car ne sachant pas qu’il y aurait encore quelqu’un en ce lieu de prière si tard ! Il arrivait aussi que l’Abbé Michel aille le réveiller de sa chambre pour lui demander d’ouvrir la chapelle tôt le matin, avant l’heure-même des laudes. Il avait tellement besoin de faire comme fit Marie Madeleine, à l’aube, pour rencontrer son Bien-Aimé. C’est comme s’il rêvait de lui et qu’il avait hâte de le rencontrer à la chapelle ! Comme c’était vraiment inspirant pour de jeunes théologiens que nous étions ! En formation comme dans la vie, les jeunes ont besoin de personnes inspirantes pour les aider à imaginer et construire leur vie future avec vigueur et détermination. Des gens qui leur donnent du sens à leur choix. Nous en avions là une chance extraordinaire. Je crois que leurs Excellences les Evêques de la Conférence Episcopales du Kivu qui nous avaient fait ce cadeau méritent nos remerciements filiaux.

Sebakara, enseignant consciencieux

Il est des enseignants qui croient que c’est en ayant un faible taux de réussite à leurs évaluations que cela prouve du sérieux de leurs prestations. Il y en avait et il y en a encore. Ces derniers ignorent que la mission de l’enseignant consiste à amener les apprenants à aller au-delà de ce qu’ils savaient et de ce qu’ils pouvaient jadis, de façon à ce qu’ils soient en même temps à même de non seulement répondre convenablement aux questions, mais aussi qu’ils fassent montre d’avoir acquis des compétences nécessaires à l’exercice de leur mission future. Les enseignements de Michel Sebakara se caractérisaient par le souci de la réussite de tous ses étudiants. Pour cela, il avait l’habitude de donner des directives en vue de la préparation de ses évaluations à passer. À la suite de la passation des épreuves, il n’hésitait aucunement, contrairement à certains de ses collègues formateurs, à donner presque la totalité et même le maximum des points (19/20, voire 20/20) à ceux d’entre ses étudiants qui le méritaient bien.

Cette attitude, mieux, cette approche traduisait une sorte de pédagogie centrée sur l’apprenant et non celle centrée simplement sur l’enseignant et le contenu de sa matière. Pour être franc, il y a à réformer sérieusement dans la didactique de formation au sein de nos structures de formation dont, jusqu’à ce jour, bon nombre d’enseignants se contentent de la pédagogie des perroquets, au nom d’une certaine sélectivité pourtant tronquée, subjective et réductrice.

Une autre marque de conscience professionnelle de la part de l’Abbé Sebakara, c’est le fait que lorsqu’il lui arrivait d’être en retard de quelque deux minutes, nous le voyions courir vers l’auditoire, sa diplomate en main, comme s’il s’agissait d’un étudiant sérieusement en retard. Cela non seulement nous étonnait mais aussi nous marquait positivement. Et comme si cette course ne suffisait pas, il prenait soin de s’excuser mille et une fois pour ce retard que les congolais qualifieraient de « très léger » pourtant ! Il n’était pas du genre de certains enseignants faisant le gros dos devant leurs étudiants ou ceux à l’allure impressionniste qui n’hésitent pas à insister sans cesse sur leurs exploits de voyage à l’étranger, comme si c’étaient des professeurs de tourisme ! Modestie et simplicité étaient des marques de l’Abbé Sebakara comme enseignant.

En catéchèse, ses documents de chevet, c’étaient Catechesi tradendae du Saint Pape Jean Paul II (sur la catéchèse en notre temps) et Evangelii Nutiandi (sur l’évangélisation dans le monde moderne). Sachant qu’il avait en face de futurs prêtres et futurs bons chrétiens, il se basait sur le fait que, comme le note le pape, « avant de remonter vers son Père, le Christ ressuscité donna aux Apôtres une ultime consigne : faire de toutes les nations des disciples et leur apprendre à observer tout ce qu'il avait prescrit. Il leur confiait ainsi la mission et le pouvoir d'annoncer aux hommes ce qu'ils avaient eux-mêmes entendu, vu de leurs yeux, contemplé, touché de leurs mains, du Verbe de vie. »[5] Par ailleurs, il soulignait que l’œuvre évangélisatrice est en devoir de répondre à ce triple questionnement fondamental : « Qu’est devenue, de nos jours, cette énergie cachée de la Bonne Nouvelle, capable de frapper profondément la conscience de l’homme ? Jusqu’à quel point et comment cette force évangélique est-elle en mesure de transformer vraiment l’homme de ce siècle ? Suivant quelles méthodes faut-il proclamer l’Evangile pour que sa puissance soit efficace ? »[6]

Compte tenu du contexte et de l’évolution du monde avec ses corollaires de conséquences, Sebakara reconnaissait que le monde était sans cesse changeant, et qu’en dépit de cela, la force de l’Evangile reste actuelle pour toucher le contemporain, à condition que la transmission se fasse en fonction de différentes possibilités qu’offre la modernité. Partant, les méthodes à appliquer devront correspondre aux schèmes mentaux de l’homme de ce temps dont les joies et les peines sont aussi les joies et les peines de l’Eglise comme le soutient Lumen Gentium. Cette adaptation au temps présent ne doit cependant pas faire sombrer la tradition, vu que deux extrêmes restent à éviter, à savoir : le traditionalisme d’une part, et de l’autre, le modernisme. C’est pour cette raison-là que ses enseignements ne cessaient de puiser aux sources de la spiritualité chrétienne, tout en tenant compte des apports possibles d’autres univers spirituels, tels le bouddhisme, le taoïsme, le confucianisme… Tout ce patrimoine constitue en effet, le limon auquel se nourrit le chrétien connecté à différentes cultures et spiritualités du monde grâce à l’évolution technologiques ainsi qu’aux  nouvelles technologies de l’information et de la communication dont l’Evangile et son annonce ne sauraient se passer, au risque de rater la cible qu’est cet être hyperconnecté et faisant face à la surcharge informationnelle.  

Tout compte fait, Michel Sebakara restait convaincu de la nécessité absolue de ne jamais exiger ce qu’il ne fait pas lui-même, car estimant que l’exemple est la meilleure manière d’éduquer. Cette démarche éducative est loin d’être l’apanage de bon nombre d’éducateurs, même en milieu religieux. Certains éducateurs croient que la pédagogie efficace consiste à forcer de commander, de donner des ordres pour se faire obéir à tout prix, ou de réclamer de leurs apprenants ce qu’ils ne font pas et ne vivent pas eux-mêmes. Tout compte fait une pédagogie de ce genre est inefficace, vu l’incohérence entre les discours et le vécu des donneurs de leçons. Cette méthode n’entraîne que des effets pervers sur le présent et l’avenir des apprenants. Cela, Michel Sebakara prouvait s’en être convaincu. Comme enseignant, son rôle, c’était de permettre à chacun de ses étudiants de réaliser son plein potentiel et de s’épanouir comme apprenant s’initiant à son métier futur de prêtre et de bon chrétien. Nous lui en savons gré.

Sebakara, l’homme dont l’être fut une œuvre d’art

Celui dont je suis en train de parler, à savoir, l’Abbé Michel Sebakara qu’il nous arrivait d’appeler aussi « monseigneur », pour avoir exercé pendant quelque temps comme Vicaire Général de Son Excellence Monseigneur Faustin Ngabu, a fait de sa vie une esthétique multidimensionnelle : humaine, spirituelle, pédagogique, pastorale. En ce sens, il fit de sa vie une œuvre d’art, tout court. Partant, il fit de sa vie une œuvre de louange au Christ, son Maître et Seigneur dont il a formé ses serviteurs par l’exemplarité, afin que son Maître grandisse, et que lui diminue, exactement, comme la bougie qui, tout en fondant, éclaire, et qui ne saurait éclairer qu’en fondant. Telle est sa nature. Michel Sebakara est donc un livre ouvert, que les contemporains ont à exploiter pour apprendre la sequela Christi dans l’humilité, l’obéissance, la beauté, la bonté et la vérité. Puissent, les prêtres et laïcs qu’il a formés et qui se reconnaissent en lui, imiter ce modèle de pédagogie de l’exemplarité, pour que par eux transparaisse la lumière de Celui qui les a appelés des ténèbres à son admirable lumière. Ainsi la vie aura été, comme il en fut de celle de Sebakara, un exercice de réalisation du beau dans chaque œuvre humaine, pour que par cette beauté, le monde croit en Celui qui est la Beauté par excellence.

 

[1] Cf. Michel SEBEKARA SENGABO, Aux sources de la spiritualité chrétienne, Goma, 2007, p.3.

[2] PAUL VI, « Allocution aux membres du conseil des Laïcs  », (2 Octobre 1974), in Acta Apostolica Sedis, n° 66 (1974), p.568.

[3] Michel SEBEKARA SENGABO, op.cit., p. 8.

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